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L’espagnolisme de Henry de Montherlant et le régionalisme de Jean de la Varende. Enjeux nobiliaires d’une géographie imaginaire

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Abstract

Henry de Montherlant and Jean de La Varende are two 20th-century French authors of noble birth. Montherlant’s predilection for the Mediterranean region and La Varende’s preference for his birth province, Normandy – areas typified by a strong connection to their respective pasts – provide these authors with the material for a large number of interwar narratives. Montherlant projects his status as a noble writer onto the Mediterranean sphere, a region characterized by a “distinction,” which is exemplified, for instance, in Spanish “proudness”. Montherlant’s Spain is marked by the nobility and, as such, seems to be similar to the Arabic world: as a whole, the area functions as a guardian of history and of noble customs. La Varende’s noble posture is revealed by his projection onto a Normandy of the past, and by his desire to uphold the image of a Norman province characterized by traditional values linked to its noble inhabitants. In short, both authors constitute their aristocratic ethos on the basis of their attraction to a certain region.

Résumé

Henry de Montherlant et Jean de La Varende appartiennent tous deux à des familles de la petite noblesse française. La prédilection montherlantienne pour l’espace méditerranéen et la préférence lavarendienne pour sa terre natale, la Normandie, lieux empreints d’un fort lien avec le passé, fournissent à ces auteurs la matière d’un grand nombre de récits écrits durant l’entre-deux-guerres. Chez le Montherlant de l’époque, son statut d’écrivain noble se traduit par sa projection dans le monde méditerranéen, caractérisé par une « distinction » dont la « fierté » hispanique serait la marque. L’Espagne de Montherlant, proche en cela du monde arabe, serait un creuset de noblesse, ce qui explique qu’elle soit décrite comme une gardienne de l’histoire et de traditions nobles. Chez La Varende, sa posture d’écrivain prend forme à travers sa projection dans une Normandie pénétrée par le passé, ainsi que dans son souci de maintenir l’image d’une Normandie empreinte de valeurs traditionnelles fortement liées aux nobles habitant ces endroits, auxquels il consacre de nombreux textes. Ainsi ces deux écrivains constituent-ils un ethos aristocratique dont la coloration est différente mais dont les finalités se recoupent à bien des égards.

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Notes

  1. Dans le cadre de la thèse de doctorat que je prépare à la KU Leuven, la façon dont l’imaginaire nobiliaire s’investit dans différents types de territoires sera étudiée dans l’œuvre entière des deux auteurs envisagés, ainsi que dans la production d’autres écrivains de la période appartenant à la noblesse, comme Alphonse de Châteaubriant.

  2. L’on peut noter de nombreux articles de presse dans L’Intransigeant, l’Écho de Paris ( 1934 ), Les Nouvelles Littéraires, Candide ( 1925a, 1925c ), Vendredi ( 1937 ), Plaisir de France ( 1935 ), La Revue de France ( 1929 ), La Revue des Deux Mondes,  mais aussi dans le roman, le deuxième volume de La Jeunesse d’Alban de Bricoule, Les Bestiaires (1926), les recueils Trois images de l’Espagne (1928), Hispano-Moresque (1929), et les deux premiers volumes des Voyageurs Traqués, à savoir Aux Fontaines du Désir (1927) et La Petite Infante de Castille (1929, 1925a). Il a même commencé à publier, entre autres dans Europe et le Figaro (littéraire), au début des années trente, les premières pages de son roman, généralement qualifié d’anticolonialiste, dans lequel il observe la manière dont sont traités les Musulmans par les Français d’Algérie, La Rose de Sable et quelques pages du dernier volume de la trilogie Voyageurs traqués, Un voyageur solitaire est un diable dans La Nouvelle Revue Française, en 1940.

  3. Il l’a fait, dans ses pièces de théâtre, écrites et publiées, durant et après la seconde guerre mondiale : elles ont lieu en Espagne et dans le Portugal du passé. Les plus connues sont entre autres La Reine Morte, Le Maître de Santiago et Le Cardinal de l’Espagne.

  4. Nez-de-Cuir, Gentilhomme d’amour (1937) et Le Centaure de Dieu (1938) ; ses recueils de nouvelles Pays d’Ouche 1740-1933 (1934) et Les Manants du Roi (1938b). La biographie Les Grands Normands (1939) et la monographie Les Châteaux de Normandie (Basse-Normandie) (1937a).

  5. Montherlant a fait une sorte de mausolée de l’Espagne, où il conserve le souvenir de sa distinction, de sa « noblesse ». En réalité, l’Espagne de l’époque correspond sans doute assez peu à ce que Montherlant souhaite y voir. Selon Pierre Sipriot, « Montherlant découvre en lisant Unamuno un tragique qui permet de vivre en pleine transe. “La vie est un songe”, la Vida es sueño disait déjà Caldéron. “Je sais que je rêve, mais le bien qu’on fait comme en rêve ne se perd pas.”[…] À Madrid à l’époque, dès qu’on sort des beaux quartiers, on côtoie la misère et la mort. […] Volupté de l’échec. La tragédie de la vie, c’est l’échec. Unamuno veut faire de l’Espagne une manière de mausolée ; tout y est consacré au souvenir de ce qu’elle a perdu. Les morts sont morts, on est vivant mais ils peuvent revivre si on vit comme eux. L’idéal espagnol pour Unamuno, c’est Don Quichotte. […] En 1925, dans une époque décevante, […] tout ce que l’Espagne a gagné de richesses, d’empires, elle l’a perdu. »  (Sipriot, 1982, p. 339).

  6. Un élément digne d’être mentionné en ce qui concerne l’origine de Maupassant : « Guy de Maupassant est né le 5 août 1850, soit au château de Miromesnil, près de Dieppe, commune de Tourville-sur-Arques, soit à Fécamp chez sa grand-mère maternelle, 98, rue Sous-le-bois, aujourd'hui Quai Guy-de-Maupassant et Avenue Jean-Lorrain - où la présence de sa mère est attestée quelques jours auparavant. […] les biographes contemporains accréditent de plus en plus l'origine fécampoise, habilement escamotée par la mère, Laure de Maupassant née Le Poittevin, entichée de noblesse. » (http://www.jesuismort.com/biographie_celebrite_chercher/biographie-guy_de_maupassant-820.php, consulté le 18 novembre 2013).

  7.  « [Q]ue les peuples espagnol et provençal tourmentent les taureaux parce qu’ils les aiment, comme Mithra tue le taureau parce que c’est cela l’accomplissement de son culte. » (Montherlant 1927, p. 140 ; citation qui se trouve aussi dans l’article « Une Heure avec… » de Frédéric Lefèvre dans Les Nouvelles Littéraires de 1927).

  8. Dans le même article, « Aficionados et opposants à la tauromachie. Les formes plurielles de la civilisation » , Traïni écrit que : « À l'instar des pratiques liées à la chasse de l'époque, ces joutes étaient en grande partie perçues comme une forme de préparation à la guerre et d'exaltation des qualités martiales propres à la noblesse : jonchés sur leur monture, les chevaliers espagnols se devaient de transpercer des taureaux d'un coup de lance brutal et hardi. »  (2003, p. 109).

  9. Dominique Maingueneau a consacré sa conférence (à l’Université de Leuven) du 17 février 2012 à “Paratopie & Noblesse” (ayant lieu dans le cadre des Lecture Series du groupe de recherche MDRN). Voici le lien à sa conférence vidéo : http://mdrn.be/node/18 (consulté le 18 novembre 2013).

  10. Même si La Varende n’aimait pas voyager, il le fait dans quelques-uns de ses récits écrits et publiés après la seconde guerre mondiale, quand il voue un nombre très restreint de ses ouvrages à l’Espagne du passé, démontrant ainsi une coloration analogue à celle du Montherlant des pièces de théâtre.

  11.  « Jean de La Varende avait trois ans lorsque sa mère, restée veuve un mois à peine après la naissance de ce fils cadet, incapable de soutenir plus longtemps terres et château, dans la solitude d’une province qu’elle n’aimait pas, rentra en Bretagne. L’enfant n’avait pas eu conscience de son solage natal ; le déracinement brutal le lui fit connaître. Adulte, il décrivit ainsi son arrivée à Rennes et ses conséquences à long terme : “Je dois tout au mal du pays. J’ai été giflé, attaqué, mordu, propulsé par la nostalgie. […] Dès l’instant où je mis le pied dans cette chère ville [Rennes] je suis devenu Normand conscient, Normand enragé, frénétique. La Normandie m’apparut une terre de promission”. » (Anne Bernet, [date incertaine]).

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Vanmol, A. L’espagnolisme de Henry de Montherlant et le régionalisme de Jean de la Varende. Enjeux nobiliaires d’une géographie imaginaire. Neohelicon 42, 105–117 (2015). https://doi.org/10.1007/s11059-014-0275-4

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