La Liberté de Conscience

Résumé

Parce qu’il ne préconise pas la tolérance ecclésiastique, Bayle se trouve en mesure d’analyser d’autant plus clairement les présupposés du compelle intrare, de l’appel au bras séculier, sollicité d’imposer par la contrainte le conformisme religieux. En effet, aucun effort pour minimiser les erreurs du persécuté ne traverse et n’obscurcit la discussion, de sorte que le problème est énoncé dans les termes les moins favorables pour la thèse de Bayle: au départ, est posée l’existence de consciences errantes, abstraction faite de la teneur et de la gravité de leurs erreurs, que l’adversaire est donc en droit de supposer aussi graves qu’il le voudra. Trois groupes d’arguments, patinés par les siècles, justifiaient traditionnellement les mesures de contrainte prises à l’encontre des hérétiques: un souci de protéger la société contre leurs doctrines pestilentielles, qu’illustraient les comparaisons classiques qui assimilaient ceux qui s’écartaient sensiblement de la commune traditive à des incendiaires ou à des empoisonneurs de puits;¹ une analyse des processus psychologiques qui expliquent que l’hérétique demeure aveugle à la vérité orthodoxe, à savoir sa paresse, ses passions, ses vices, toutes causes légitimant des sanctions pénales; enfin, des considérations religieuses concernant le devoir qui incombe au fidèle de soutenir la gloire de Dieu en combattant ceux qui la ternissent: dans cette perspective, l’hérésie est à rapprocher du blasphème,² de la profanation, ou encore du faux-monnayage, c’est un crime de lèse-majesté.³