La philosophie de l’Histoire

Résumé

L’information historique et l’analyse des événements contemporains permettent-elles au philosophe de discerner certaines lois générales commandant le cours des choses humaines? Certes, celui-ci n’est pas contingent; Bayle le rappelle maintes fois, la Providence divine dirige jusqu’au plus minime incident de nos vies à tous; mais la question se pose de savoir si, hors du domaine de la profession de foi, il est possible de faire état de régularités et d’ordre. De prime abord, Bayle rejette avec véhémence le providentialisme ingénu qui se flatte de déchiffrer une intention divine précise derrière le moindre événement. Faisant bon marché des bases vétéro-testamentaires qu’une telle conception pouvait invoquer,¹ Bayle soutient implicitement que l’histoire de l’Ancien Israël constitue un cas privilégié et exceptionnel et qu’hormis cet exemple unique, le providentialisme grossier n’est qu’un lieu-commun rhétorique, et surtout, polémique. «Ceux qui condamnent une pratique ont accoutumé de supposer que les prodiges célestes se déclarent en leur faveur. Ils persuadent cela aisément, et ils tiennent ainsi les esprits dans la servitude».² Qu’il est opportun pour un Inquisiteur «de dire que les Hérétiques du païs étoient la cause de la cherté des denrées et de la mortalité des bestiaux … Ne voit-on pas qu’aussitôt que les Chrétiens furent en état de persécuter, ils reprochèrent à l’Erreur les mêmes choses que le Paganisme leur avoit attribuées, c’est-à-dire, d’être la cause qu’on ne faisoit pas de bonnes récoltes et qu’on voioit un renversement de saisons …