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La totalité, la mort et les autres

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Heidegger et le problème de la mort

Part of the book series: Phaenomenologica ((PHAE,volume 211))

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Abstract

Dans ce chapitre, nous analyserons les rapports entre le phénomène de la mort et les existentiaux fondamentaux du Dasein, notamment le comprendre, l’affection et la parole. Nous verrons que cette triade existentiale – Verstehen, Befindlichkeit et Rede – aura un rôle décisif pour l’appropriation de l’être pour la mort. Le Dasein ne peut projeter la possibilité de sa mort que sur le registre existential du comprendre ; de même, ce n’est que sur le registre affectif, et notamment dans l’angoisse, que le Dasein devient capable de se trouver devant le fait qu’il soit un être-jeté dans cette possibilité de la mort. Nous allons ainsi expliciter la double modalisation de l’être pour la mort (soit en direction de l’authenticité, soit en direction de l’inauthenticité). Il s’agira de comprendre que les structures existentiales se modalisent elles-mêmes synchroniquement et modalisent l’être du Dasein en tant que tout, comme existence authentique ou inauthentique. Nous achèverons notre discussion sur la première section d’Être et temps par la mise en relation du phénomène de la mort avec le phénomène de la vérité, qui est indispensable pour la compréhension du sens spécifique de la certitude existentiale de la mort, qui dépasse toute certitude d’ordre théorique.

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Notes

  1. 1.

    SZ, 232 : « […] une interprétation ontologique originaire ne requiert pas seulement une situation herméneutique assurée en toute adéquation au phénomène : elle doit expressément s’assurer si elle a porté à la pré-acquisition le tout de l’étant thématique. De même, une première esquisse de l’être de cet étant, même si elle est phénoménalement fondée, ne suffit pas. La pré-vision de l’être doit bien plutôt atteindre celui-ci du point de vue de l’unité des moments structurels qui lui appartiennent ou peuvent lui appartenir. C’est alors seulement que peut être posée et résolue avec sûreté phénoménale la question du sens de l’unité de la totalité d’être de l’étant en son tout. »

  2. 2.

    Ce syntagme apparaît souvent dans la construction das eigentliche Ganzseinkönnen (le pouvoir authentique d’être tout), SZ, 234–235, 266, 301–305, 308–309.

  3. 3.

    Cf. Flécheux 1989, 201–212 ; White 2005, 61–66.

  4. 4.

    Ainsi, nous découvrons au moins trois modalités du rapport entre « la fin » et « l’accomplissement » : soit la fin survient avant l’accomplissement (cas où nous avons affaire à un « être raté ») ; soit l’accomplissement survient avant la fin (le destin accompli) ; soit la fin coïncide avec l’accomplissement, quand l’accomplissement surgit en tant que fin (peut-être faut-il songer aux cas exemplaires de Socrate, de Jésus, des martyres chrétiens des premiers siècles ?).

  5. 5.

    Nous rencontrons le même problème avec le phénomène de la vie. Car la vie, et les phénomènes qui lui sont connexes (par exemple la chair, la corporéité vivante), ne peuvent être placés dans aucune de ces trois catégories mentionnées (voir sur ce sujet Ciocan 2008). Il est également vrai que, d’autre part, les réflexions heideggériennes ultérieures sur l’essence de l’animalité et aussi sur l’essence de l’œuvre d’art rachatteront ce « réductionnisme » de Sein und Zeit. En tout cas, nous pouvons mentionner un passage évoquant un mode d’être d’un étant qui, sans être à la mesure du Dasein, n’est non plus sous-la-main ou à-portée-de-la-main : « […] Sein des nichtdaseinsmäßigen Seienden, das heißt auch dessen, was, nicht zuhanden und nicht vorhanden, nur “besteht”. » (SZ, 333, nous soulignons)

  6. 6.

    Pour une perspective plus ample sur l’histoire de ce concept, voir Kaulbach 1974.

  7. 7.

    Platon, Théétète, 204e–205a.

  8. 8.

    Sophiste, 244b–245a. Cf. aussi Harte 2002.

  9. 9.

    Mentionnons que, dans cette constellation conceptuelle, on devrait invoquer aussi le terme de ta panta, qui complique encore les niveaux problématiques de l’idée grecque de totalité. Voir aussi l’article « Holon », dans Peters 1974. Enfin, comme l’idée de totalité est forgée par Heidegger pour déterminer la totalité de d’être du Dasein, signalons aussi le lieu où Platon parle pour la première fois de l’homme en tant que tout : « L’âme, le corps, ou le tout qui est formé de leur union » (Alcibiade, 130 a). Dans ce contexte, Platon souligne que ni le corps ni le tout [to holon] ne sont « l’homme », mais seulement l’âme (130 b–c).

  10. 10.

    Aristote, Métaphysique, 1023b–1024a (trad. Tricot, Paris, Vrin, 1966).

  11. 11.

    Cf. Husserl 1993, 225–293.

  12. 12.

    Cf. Øverenget 1998, 7–105.

  13. 13.

    Nous avons analysé ces critiques dans Ciocan 2004 et 2007.

  14. 14.

    SZ, 247 : « […] à l’intérieur même de cette ontologie du Dasein […] l’analytique existentiale de la mort est […] subordonnée à une caractérisation de la constitution fondamentale du Dasein. »

  15. 15.

    SZ, 53 : « Le Dasein, en outre, est l’étant que je suis à chaque fois moi-même. Au Dasein existant appartient la mienneté [Jemeinigkeit] comme condition de possibilité de l’authenticité et de l’inauthenticité. Le Dasein existe à chaque fois en l’un de ces modes, ou dans leur indifférence modale. »

  16. 16.

    SZ, 237 : « Atteindre sa totalité dans la mort, pour le Dasein, c’est en même temps perdre l’être du Là [Verlust des Seins des Da]. Le passage au ne-plus-être-Là [Nichmehrdasein] ôte justement au Dasein la possibilité d’expérimenter ce passage et de le comprendre en tant qu’il l’expérimente. Cependant, quand bien même cela peut demeurer interdit à chaque Dasein par rapport à lui-même, la mort des autres ne s’en impose que plus fortement à lui. Un achèvement du Dasein devient alors “objectivement” accessible. »

  17. 17.

    Pour ce sujet, voir aussi Michel Haar 1994, 61–72.

  18. 18.

    Mais il est possible d’élargir davantage encore cette non-représentabilité. En effet, d’autres « fonctions et activités » sont identifiables là où nous ne pouvons pas être remplacés par l’autre. Non seulement « penser », « aimer » ou « mourir ». Mais aussi, personne ne peut respirer à ma place, personne n’est en mesure de ressentir la douleur de ma rage de dents. Même si quelqu’un compatissait avec moi, par empathie, ce qu’il éprouverait se réduirait à une simple analogie avec sa propre expérience. Bien plus, même si quelqu’un parvenait à se fatiguer à ma place, en travaillant à ma place, il ne peut pas se fatiguer de ma fatigue, mais c’est toujours sa propre fatigue qui est en jeu ; aussi, même lorsque quelqu’un dort à ma place (tandis que je reste – éventuellement à sa place – éveillé), il ne dormira pas de mon sommeil, mais toujours de son sommeil. Le domaine du propre le plus propre semble par là plus large que cette possibilité radicale de la mort qui est, elle aussi, la plus propre.

  19. 19.

    Voir aussi J.-F. Courtine 1990, 327–353, notamment pp. 341–343.

  20. 20.

    Jean 15 : 13 : « Il n’y a pas de plus grand amour que celui de donner sa vie pour ses amis. »

  21. 21.

    SZ, 188 : « L’angoisse isole et ouvre ainsi le Dasein comme “solus ipse”. Ce “solipsisme” existential, pourtant, transporte si peu une chose-sujet isolée dans le vide indifférent d’une survenance sans-monde qu’il place au contraire le Dasein, en un sens extrême, devant son monde comme monde, et, du même coup, lui-même devant soi-même comme être-au-monde. »

  22. 22.

    SZ, 250 : « La mort, elle, est une possibilité d’être que le Dasein a lui-même à chaque fois à assumer. Avec la mort, le Dasein se pré-cède lui-même en son pouvoir-être le plus propre. […] Par cette pré-cédence, tous les rapports à d’autres Dasein sont pour lui dissous. Cette possibilité la plus propre, absolue, est en même temps la possibilité extrême. »

  23. 23.

    Voir, pour cette référence littéraire, Bernasconi 1993, 76 sq.

  24. 24.

    SZ, 238 : « Im trauernd-gedenkenden Verweilen bei ihm sind die Hinterbliebenen mit ihm, in einem Modus der ehrenden Fürsorge / Séjournant auprès de lui dans le deuil et le souvenir, les survivants sont avec lui, sur un mode de sollicitude honorifique. »

  25. 25.

    Cf. SZ, 61 : « C’est en se retirant de toute production, de tout maniement, etc., que la préoccupation se transporte dans le seul mode d’être-à… alors résiduel : dans le ne-plus-faire-que-séjourner-auprès-de… [Im Sichenthalten von allem Herstellen, Hantieren u. dgl. legt sich das Besorgen in den jetzt noch einzig verbleibenden Modus des In-Seins, in das Nur-noch-verweilen bei…] » (n. s.).

  26. 26.

    Voir aussi SZ, 120 : « […] ce “ne rien faire” est un mode existential d’être, celui qui consiste à séjourner-auprès, sans préoccupation ni circon-spection, tout le monde et personne [dasHerumstehenist ein existenzialer Seinsmodus : das unbesorgte, umsichtslose Verweilen bei Allem und Keinem] » (trad. modifiée).

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Ciocan, C. (2014). La totalité, la mort et les autres. In: Heidegger et le problème de la mort. Phaenomenologica, vol 211. Springer, Dordrecht. https://doi.org/10.1007/978-94-007-6839-0_4

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