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Part of the book series: Phaenomenologica ((PHAE,volume 221))

  • 142 Accesses

Abstract

À de rares exceptions près, la littérature s’est polarisée autour de la lecture heideggérienne de 1 Th. C’est que, contrairement à celle de 2 Th, elle fait davantage écho à ce qu’on sait généralement du philosophe. Pourtant, l’une et l’autre se suivent et forment un tout qu’on ne peut disloquer à moins d’amputer l’investigation du christianisme primitif d’une partie non-négligeable de ses résultats. Cela dit, avertissons d’emblée le lecteur qu’en vertu de cette solidarité, ce chapitre contient nombre de répétitions et donne parfois l’impression de tourner en rond. S’il s’en dégage tout de même quelques analyses inédites, leur originalité tient davantage à la manière dont Heidegger s’explique avec la tradition qu’à celle dont il donne à penser. En clair, l’herméneutique l’emporte ici sur le phénoménologique.

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Notes

  1. 1.

    P. Schmidt, « Zum zweiten Thessalonicher-Brief », in Der erste Thessalonicherbrief [1885], p. 111.

  2. 2.

    Ibid., p. 111.

  3. 3.

    Ibid., pp. 111–112.

  4. 4.

    Ibid., p. 117 sq. À côté de la discordance entre les discours eschatologiques, Schmidt évoque un langage non-paulinien à plusieurs reprises en 2 Th, mais aussi, à la suite du Paulus de Baur et de sa réponse à Lipsius, la répétition de nombreux éléments de 1 Th en 2 Th (en dehors des instructions eschatologiques) impossibles à justifier au vu de la situation.

  5. 5.

    Ibid., p. 115 et p. 113.

  6. 6.

    Ibid., pp. 124–125.

  7. 7.

    Ibid., p. 111.

  8. 8.

    Ibid., p. 112.

  9. 9.

    Cela pourrait marcher avec l’hypothèse selon laquelle Timothée aurait rédigé 2 Th au nom de Paul. Cf. F. Spitta, Zur Geschichte und Literatur des Urchristentums, Bd. I, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1893.

  10. 10.

    H. J. Holtzmann, « Zum zweiten Thessalonicherbrief », Zeitschrift für neutestamentliche Wissenschaft und die Kunde des Urchristentums, 2, 1901, pp. 97–108.

  11. 11.

    H. J. Holtzmann, Lehrbuch der historisch-kritischen Einleitung in das Neue Testament [1885], pp. 229–233.

  12. 12.

    Ainsi, on ne s’étonne pas que Holtzmann indique le travail de Schmidt, paru quelques mois auparavant seulement, en tête du chapitre consacré à 1 et 2 Th (Lehrbuch [1885], p. 226).

  13. 13.

    H. J. Holtzmann, Lehrbuch [1885], pp. 229–230.

  14. 14.

    Cf. J. E. C. Schmidt, « Vermuthungen über die beiden Briefe an die Thessalonicher », Bibliothek für Kritik und Exegese des Neuen Testaments und älteste Christengeschichte, 2, 3, 1801, pp. 380–386 ; W. M. L. de Wette, Lehrbuch der historisch-kritischen Einleitung in die kanonischen Bücher des Neuen Testaments, Berlin, Reimer, 21830 ; C. Schrader, Der Apostel Paulus, 3 Bde., Leipzig, Kollmann, 1830–1833 ; E. T. Mayerhoff, Der Brief an die Colosser, Berlin, Schutze, 1838 (posthume), p. ix ; F. H. Kern, « Über 2 Th 2, 1–12. Nebst Andeutungen über den Urpsrung des 2. Briefs an die Thessalonicher », Zeitschrift für Theologie, 1839, pp. 145–214 ; F. C. Baur, Paulus [1866–1867], p. 99 sq., p. 341 et passim.

  15. 15.

    F. C. Baur, Paulus [1866–1867], p. 99.

  16. 16.

    Ibid., p. 361.

  17. 17.

    W. Wrede, Die Echtheit des zweiten Thessalonicherbriefs untersucht, Leipzig, Hinrich, 1903 (Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur, Hrsg. v. Gebhardt & A. v. Harnack, Bd. XXIV, Heft 2).

  18. 18.

    E. Reuss, Die Geschichte der Heiligen Schriften Neuen Testaments, Braunschweig, Schwetschke, 51874, p. 73, et Holtzmann, Lehrbuch [1885], p. 231. Se référant à cette formule en citant à la fois Reuss et Holtzmann, W. Wrede (Die Echtheit des zweiten Thessalonicherbriefs untersucht [1903], p. 1) développera sa contre-hypothèse selon laquelle le schlagende Hauptargument n’est pas l’eschatologie mais la parenté littéraire entre 1 et 2 Th.

  19. 19.

    H. J. Holtzmann, « Zum zweiten Thessalonicherbrief » [1901], p. 97.

  20. 20.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 498 sq.

  21. 21.

    T. Zahn, Einleitung in das Neue Testament, Bd. I, Leipzig, Deichert, 21900, p. 161 sq. Et p. 174 sq. ; A. Jülicher, Einleitung das Neuen Testament [1901], p. 45 sq. D’autres travaux sont cités, qui ne proviennent pas de la sphère allemande, comme par exemple la Biblical Introduction (1899) d’Adeney et l’Introduction to the New Testament (1900) de Bacon.

  22. 22.

    H. Gunkel, Schöpfung und Chaos [1895], p. 221 sq. ; W. Bousset, Der Antichrist in der Überlieferung des Judentums, des Neuen Testaments und der alten Kirche. Ein Beitrag zur Auslegung der Apocalypse, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1895, p. 13 sq. Étrangement, Holtzmann ne cite pas Gunkel et Bousset, ce qui peut s’expliquer par le fait que leurs positions sont plus nuancées que celle de Jülicher et de Zahn. À ce titre, l’hypothèse de Bornemann nous semble plus proche de celles de Gunkel et de Bousset que de celles de Jülicher et de Zahn.

  23. 23.

    H. J. Holtzmann, « Zum zweiten Thessalonicherbrief » [1901], p. 97.

  24. 24.

    W. Wrede, Die Echtheit des zweiten Thessalonicherbriefs untersucht [1903], p. 2.

  25. 25.

    C. Weizsäcker, Das apostolische Zeitalter der christlichen Kirche, Freiburg, Mohr, 21892, p. 249 sq.

  26. 26.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 518.

  27. 27.

    Cf. W. Wrede, Die Echtheit des zweiten Thessalonicherbriefs untersucht [1903], pp. 4–12 et pp. 24–26).

  28. 28.

    Cf. H. J. Holtzmann, « Zum zweiten Thessalonicherbrief » [1901], pp. 105–106.

  29. 29.

    Cf. G. Hollmann, « Die Unechtheit des zweiten Thessalonicherbriefs », Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft und die Kunde des Urchristentums, 5, 1904, pp. 28–38 (sur Wrede pp. 28–30).

  30. 30.

    Ibid., p. 28.

  31. 31.

    Ibid.

  32. 32.

    Ibid.

  33. 33.

    Ibid., p. 29.

  34. 34.

    Ibid., p. 29.

  35. 35.

    W. Wrede, Die Echtheit des zweiten Thessalonicherbriefs untersucht [1903], p. 45.

  36. 36.

    G. Hollmann, « Die Unechtheit des zweiten Thessalonicherbriefs » [1904], p. 29.

  37. 37.

    Ibid.

  38. 38.

    Ibid., p. 30.

  39. 39.

    Bérée selon Maurice Goguel, Philippes selon Eduard Schweizer, cités par S. Légasse, EPT, p. 355.

  40. 40.

    C. Masson, Les deux Épîtres de saint Paul aux Thessaloniciens, Neuchâtel/Paris, Delachaux & Niestlé, 1957, p. 356. Masson se prononce lui aussi pour l’authenticité.

  41. 41.

    G. Hollmann, « Die Unechtheit des zweiten Thessalonicherbriefs » [1904], pp. 33–34.

  42. 42.

    Ibid.

  43. 43.

    Ibid., p. 37.

  44. 44.

    Ibid.

  45. 45.

    Heidegger développe ici une interprétation semi-originale s’inspirant lointainement d’Olsen et de Riggenbach tout en se démarquant de Bornemann. Cf. W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], pp. 334–335.

  46. 46.

    S. Légasse, EPT, p. 366.

  47. 47.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 59.

  48. 48.

    A. Deissmann, Bibelstudien: Beiträge, zumeist aus den Papyri und Inschriften, zur Geschichte der Sprache, des Schrifttums, und der Religion des hellenistischen Judentums und Urchristentums, Marburg, Elwert, 1895, p. 189 sq.

  49. 49.

    P. Wendland, Christentum und Hellenismus in ihren literarischen Beziehungen, Leipzig, Teubner, 1902, p. 3.

  50. 50.

    H. Gunkel, Die Wirkungen des heiligen Geistes nach der populären Anschauung der apostolischen Zeit und der Lehre der Apostels Paulus. Eine biblisch-theologische Studie, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1888, p. 60.

  51. 51.

    J. Weiss, Das Urchristentum [1917], p. 297.

  52. 52.

    Ibid.

  53. 53.

    Ibid.

  54. 54.

    Par où l’on voit qu’il est décidemment bien difficile de « suspendre » cette question purement et simplement.

  55. 55.

    En définitive, nous ne savons pas exactement à qui Heidegger emprunte l’argument-source liant directement la plérophorie à l’authenticité de 2 Th. Rien n’interdit de penser que notre penseur fait ici œuvre de pionnier, quoique cela conduise à négliger le fait que l’expression « Überladenheit des Ausdrucks (Plerophorie) » soit mise entre guillemets plus loin (GA60, p. 109).

  56. 56.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 346.

  57. 57.

    Là encore, Heidegger se rapproche de Bornemann. Cf. Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 380.

  58. 58.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 396.

  59. 59.

    « Nichtstun » : le terme est emprunté à W. Lueken (« Der zweite Brief an die Thessalonicher » [1907], p. 24) cependant que Heidegger en radicalise le sens.

  60. 60.

    H. Ewald, Die Sendschreiben des Apostels Paulus, Göttingen, Dieterich, 1857, p. 22 ; W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 396 ; W. Lueken, « Der zweite Brief an die Thessalonicher » [1907], p. 24.

  61. 61.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 396.

  62. 62.

    Ibid., p. 397.

  63. 63.

    Ibid.

  64. 64.

    Ibid., p. 397.

  65. 65.

    Cf. A. Hilgenfeld, Historisch-kritische Einleitung in das Neue Testament, Leipzig, Fues, 1875, p. 650 sq. ; P. Schmidt, Der erste Thessalonicherbrief [1885], p. 120.

  66. 66.

    F. H. Kern, « Ueber 2 Thess 2, 1–12. Nebst Andeutungen über den Ursprung des zweiten Briefs an die Thessalonicher », Tübinger Zeitschrift für Theologie, 1839, pp. 145–214.

  67. 67.

    Ibid., p. 146.

  68. 68.

    H. J. Holtzmann, Lehrbuch [1885], p. 232.

  69. 69.

    H. J. Holtzmann, « Zum zweiten Thessalonicherbrief » [1901], p. 97.

  70. 70.

    G. Hollmann, « Die Unechtheit des zweiten Thessalonicherbriefs » [1904], p. 30.

  71. 71.

    W. Bousset, Der Antichrist [1895], p. 80.

  72. 72.

    H. J. Holtzmann, Lehrbuch [1885], p. 232.

  73. 73.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 353 sq. Bornemann relate l’avis général. Ajoutons qu’une telle interprétation donne évidemment du grain à moudre à ceux qui avancent l’inauthenticité de 2 Th.

  74. 74.

    A. Hilgenfeld, « Die beiden Briefe an die Thessalonicher », Zeitschrift für wissenschaftliche Theologie, 5, 1862, pp. 249–251 ; H. J. Holtzmann, « Zum zweiten Thessalonicherbrief » [1901], p. 105 sq.

  75. 75.

    W. Wrede, Die Echtheit des zweiten Thessalonicherbriefs untersucht [1903], p. 60 sq.

  76. 76.

    F. Spitta, Zur Geschichte und Literatur des Urchristentums [1893], Bd. I, p. 116 ; T. Zahn, Einleitung in das Neue Testament [21900], p. 175.

  77. 77.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], pp. 475–476.

  78. 78.

    H. J. Holtzmann, « Zum zweiten Thessalonicherbrief » [1901], p. 105.

  79. 79.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 477.

  80. 80.

    Ibid., p. 352 (et p. 482). Nous soulignons.

  81. 81.

    Ibid., p. 475.

  82. 82.

    Ibid., p. 334.

  83. 83.

    Bornemann le faisait déjà remarquer à propos de 2 Th 2, 13. Cf. Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 377.

  84. 84.

    Ibid., p. 333.

  85. 85.

    S. Légasse, EPT, p. 400.

  86. 86.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 372.

  87. 87.

    S. Légasse, EPT, p. 403.

  88. 88.

    Ibid., p. 404.

  89. 89.

    Ibid.

  90. 90.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 373.

  91. 91.

    S. Légasse, EPT, p. 405.

  92. 92.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 374.

  93. 93.

    S. Légasse, EPT, p. 406.

  94. 94.

    E. v. Dobschütz, Die Thessalonicher-Briefe, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1909, p. 240.

  95. 95.

    J. Lemaître, R. Roques, M. Viller, Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique. Doctrine et histoire, t. 2, Paris, Beauchesne, 1956, col. 1786.

  96. 96.

    Y. de Andia, « Négative (théologie) », in DCT, p. 798.

  97. 97.

    G. Ebeling, Luther. Introduction à une réflexion théologique, Genève, Labor & Fides, 1983, p. 193.

  98. 98.

    N’oublions pas que le rôle de la négativité dans cette relation dialectique sera remis en avant par Karl Barth. Si Jenseits von Ja un Nein, l’expression employée par Heidegger, ne figure que dans la seconde édition du Römerbrief (1922), la première (1919) contient déjà tout le dispositif qui la sous-tend.

  99. 99.

    « Antichrist » plutôt qu’« Antéchrist », le préfixe grec indiquant l’opposition avant la précédence.

  100. 100.

    E. v. Dobschütz, Die Thessalonicher-Briefe [1909], p. 275.

  101. 101.

    Ibid.

  102. 102.

    Ibid.

  103. 103.

    W. Bousset, « Der zweite Brief an die Korinther » [1907], p. 157.

  104. 104.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], pp. 406–408.

  105. 105.

    W. Bousset, Der Antichrist [1895], p. 51, 58, 78, 87 sq., 94, 102, 104, 108, 109, 112, 113, 116, 125, 139, 140. Notons que dans « Der zweite Brief an die Korinther » [1907] de Bousset, le commentaire de 4, 4 ne renvoie nullement à Irénée.

  106. 106.

    E. v. Dobschütz, Die Thessalonicher-Briefe [1909], p. 292.

  107. 107.

    W. Bousset, Der Antichrist [1895], p. 94.

  108. 108.

    A. v. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, Bd. I [1894], p. 187 n. 1.

  109. 109.

    W. Georgii, « Über die eschatologischen Vorstellungen der neutestamentlichen Schriftsteller. Ein Beitrag zur Theologie des Neuen Testaments », Theologischen Jahrbüchern, 4, 1, 1845, pp. 1–25.

  110. 110.

    Cf. A. Schweitzer, La mystique de l’Apôtre Paul [1930], p. 71 sq.

  111. 111.

    W. Georgii, « Über die eschatologischen Vorstellungen der neutestamentlichen Schriftsteller » [1845], p. 13 sq. ; L. Usteri, Entwickelung des paulinischen Lehrbegriffs in seinem Verhältnisse zur biblischen Dogmatik des Neuen Testaments: ein exegetisch-dogmatischer Versuch [1824], Zürich, Orell, 61851, p. 79 sq. ; J. N. Schneider, Die Chiliastische Doctrin und ihr Verhältnis zur Glaubenslehre, Schaffhausen, Hurter, 1859, p. 79 sq. ; C. E. Luthardt, Die Lehre von den letzten Dingen, Leipzig, Dörffling & Franke, 21870, p. 127 sq. ; R. Stähelin, « Zur paulinischen Eschatologie… » [1874], p. 185 sq., p. 230 sq. ; O. Pfleiderer, Der Paulinismus: ein Beitrag zur Geschichte der urchristliche Theologie, Leipzig, Fues, 1873, p. 264 sq. ; W. L. M. de Wette, Das Neue Testament griechisch mit kurzem Commentar, Bd. II, Halle, Anton, 1886, p. 179 ; B. Weiss, Lehrbuch der biblischen Theologie des Neuen Testaments [1868, 51888], § 64c et § 99b ; R. Kabisch, Die Eschatologie des Paulus: in ihrem Zusammenhang mit dem Gesamtbegriff des Paulinismus, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1893, p. 260 sq. ; P. Wernle, Die Anfänge unserer Religion, Tübingen/Leipzig, Mohr, 1901, p. 204 ; W. Bousset, Die Religion des Judentums [1903], p. 287–289, p. 331 ; H. J. Holtzmann, Lehrbuch der Neutestamentlichen Theologie [1911], Bd. II, p. 202 sq. ; J. Weiss, Der 1. Korintherbrief, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1910, sur 15, 20 sq. Tous établissent un lien entre Zwischenreich et Chiliasmus, mais celui-ci est plus déterminant pour certains (Georgii, Schneider, Luthardt, Kabisch, Holtzmann) que pour d’autres (Usteri, Stähelin, Pfleiderer, De Wette, B. Weiss, Wernle, Bousset, J. Weiss).

  112. 112.

    Cf. W. Bousset, Der Antichrist [1895], p. 5.

  113. 113.

    Ibid.

  114. 114.

    W. Bousset, Der Antichrist [1895], p. 13.

  115. 115.

    Ibid.

  116. 116.

    A. Ritschl, Die Entstehung der altkatholischen Kirche: eine kirchen- und dogmengeschichtliche Monographie, Bonn, Marcus, 1850, pp. 58–61.

  117. 117.

    Ibid., p. 59 n. 1 + 2. Il s’agirait d’un certain mélange d’« idéalisme » (Kern) et d’« intuitions symboliques-matérielles » (Georgii).

  118. 118.

    Ibid., p. 60.

  119. 119.

    Ibid., p. 59.

  120. 120.

    Cf. E. Husserl, HUA XIX-1, p. 477 ; A. Reinach, RSW I, p. 102.

  121. 121.

    R. Bultmann, Neues Testament und Mythologie. Das Problem der Entmythologisierung der neutestamentlichen Verkündigung [1941], München, Kaiser, 1985, p. 141.

  122. 122.

    A. v. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, Bd. I, p. 187 n.

  123. 123.

    Ibid. Cf. également A. Harnack, « Millennium », in Encyclopedia Britannica, vol.XVI, New York, Scribner, 91883, pp. 314–318.

  124. 124.

    Ibid.

  125. 125.

    Ibid.

  126. 126.

    Ibid., p. 188 n.

  127. 127.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], pp. 402–403 n.

  128. 128.

    Et non CXLVI comme l’indique les éditeurs du cours.

  129. 129.

    Précisons que la pensée d’Augustin est porteuse de tension. D’un côté, elle est trop dépendante de schèmes néo-platoniciens pour donner accès au proprement chrétien (GA60, p. 281). De l’autre, force est d’admettre que l’« expérience de Dieu au sens d’Augustin » a quelque chose d’eigentlich dans la mesure où elle s’enracine « dans la cohésion expérientielle de la facticité historique de la vie propre » (GA60, p. 294). Que dire, sinon que la pensée augustinienne est authentique, mais pas authentiquement chrétienne. Car « dans l’ensemble, l’explication de l’expérience de Dieu fournie par Augustin est spécifiquement “grecque” », s’offrant de la sorte à la « destruction » (GA60, p. 292). Il demeure néanmoins chez Augustin un fil ténu grâce auquel nous pouvons espérer trouver du proprement chrétien ; ce qui n’est possible qu’à la condition de mieux comprendre Augustin qu’il ne s’est compris lui-même (GA60, p. 294). Reste que cette possibilité n’est donc pas garantie par l’auto-interprétation d’Augustin, contrairement à ce qui se passe avec Paul.

  130. 130.

    Renvoyons encore à la Vita de 1922, où Heidegger souligne le caractère décisif de sa rencontre avec les « recherches de l’histoire des religions moderne de Gunkel, Bousset, Wendland et Reitzenstein » d’une part et les « travaux critiques de Schweitzer » d’autre part (GA16, p. 41).

  131. 131.

    A. Schweitzer, Geschichte der paulinischen Forschung. Von der Reformation bis auf die Gegenwart, Tübingen, Mohr-Siebeck, 1911.

  132. 132.

    Ibid., pp. 142–170.

  133. 133.

    Ibid., p. 148.

  134. 134.

    H. Gunkel, Zum religionsgeschichtlichen Verständnis des Neuen Testaments [1903] ; P. Wendland, Die hellenistisch-römische Kultur in ihren Beziehungen zu Judentum und Christentum [1907] ; A. Deissmann, Licht vom Osten [1908] ; C. Clemen, Religionsgeschichtliche Erklärung des Neuen Testaments [1909] ; A. Harnack, Mission und Ausbreitung des Christentums in den ersten drei Jahrhunderten, Bd. I [1906]. Cf. A. Schweitzer, Geschichte der paulinischen Forschung [1911], p. 148.

  135. 135.

    A. Schweitzer, Geschichte der paulinischen Forschung [1911], p. 148, se référant à G. Anrich, Das antike Mysterienwesen in seinem Einfluss auf das Christentum, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1894. Schweitzer cite la thèse à l’origine de ce travail soutenue à Strasbourg en 1894 : Grosskirche und Gnostizismus in ihrem Zusammenhang mit dem Mysterienwesen in den 3 ersten Jahrhundert.

  136. 136.

    G. Wobbermin, Religionsgeschichtliche Studien zur Frage der Beeinflussung des Urchristentums durch das antike Mysterienwesen, Berlin, Reimer, 1896.

  137. 137.

    A. Schweitzer, Geschichte der paulinischen Forschung [1911], p. 149.

  138. 138.

    Ibid., p. 150.

  139. 139.

    Ibid., p. 153.

  140. 140.

    Ibid., p. 168.

  141. 141.

    Ibid., p. 172.

  142. 142.

    Ibid., p. 176.

  143. 143.

    Ibid.

  144. 144.

    Ibid., p. 177.

  145. 145.

    Ibid., pp. 177–178.

  146. 146.

    Ibid., p. 178.

  147. 147.

    R. Reitzenstein, « Religionsgeschichte und Eschatologie », Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft und die Kunde des Urchristentums, 13, 1912, pp. 1–28.

  148. 148.

    Ibid., p. 2.

  149. 149.

    Ibid., p. 3.

  150. 150.

    Ibid., p. 4.

  151. 151.

    Ibid.

  152. 152.

    Ibid., p. 5.

  153. 153.

    Ibid., p. 6.

  154. 154.

    Ibid., p. 13.

  155. 155.

    Ibid., pp. 14–15.

  156. 156.

    Ibid., p. 17.

  157. 157.

    Ibid., p. 23.

  158. 158.

    A. Schweitzer, Geschichte der paulinischen Forschung [1911], p. 173, p. 176, p. 178.

  159. 159.

    R. Reitzenstein, « Religionsgeschichte und Eschatologie » [1912], p. 27.

  160. 160.

    Ibid., p. 28.

  161. 161.

    Voir encore Rm 7, 6 : « servir sous le régime nouveau de l’Esprit <δoυλεύειν ἡμᾶς ἐν καινότητι πνευματoς> et non plus sous le régime périmé de la lettre <oὐ παλαιότητι γράμματoς> ».

  162. 162.

    F. C. Baur, Paulus [1866–1867], p. 343.

  163. 163.

    Ibid.

  164. 164.

    Ibid.

  165. 165.

    Ibid., p. 349 sq., p. 380.

  166. 166.

    Ibid., p. 350.

  167. 167.

    T. Zahn, Der Brief des Paulus an die Römer, Leipzig, Deichert, 1910, pp. 6–7.

  168. 168.

    Ibid., p. 614 et passim.

  169. 169.

    Cf. la préface (non-paginée) à l’édition de 1919 de Der Römerbrief, où sont nommés, dans l’ordre : les commentaires de Calvin (1539), le Gnomon de Bengel (1742), les Betrachtungen über das N.T. de Rieger (1828), les commentaires et les explications de Godet (1881), Beck (1886), Schlatter (1887), Lietzmann (1906), Zahn (1910), l’étude de Kutter sur la « Justification, Rm 1–8 » (1905), Apostelzeit de Zündel (1886) et Geschichte der paulinischen Forschung de Schweitzer (1911).

  170. 170.

    Cf. la dernière phrase de la préface (non-paginée) à l’édition de 1919 de Der Römerbrief.

  171. 171.

    Cité par T. Zahn, Der Brief des Paulus an die Römer [1910], p. 6.

  172. 172.

    K. Barth, Der Römerbrief [1919], p. 3.

  173. 173.

    Ibid., p. 4.

  174. 174.

    A. Jülicher, « Der Brief an die Römer » [1907], pp. 1–2.

  175. 175.

    E. v. Dobschütz, Die Thessalonicher-Briefe [1909], p. 291 n.

  176. 176.

    Dobschütz s’inscrit en faux contre la fameuse étude d’Alfred Seeberg, Der Katechismus der Urchristenheit, Leipzig, Deichert, 1903, p. 111. Seeberg entend reconstituer autour de 1 Co 15 un Ur-crédo, une formule originelle qui aurait concentré l’essentiel de la foi chrétienne et aurait servi de carte de visite à l’ensemble des missionnaires. Ce projet n’est pas sans intérêt, car il permet de se confronter aux différents « types cultuels » et, par là, aux différentes sortes de genre littéraire. Il présente toutefois le danger de déclarer inauthentique tout passage du NT qui ne ferait pas allusion à l’un ou l’autre aspect de l’Ur-crédo en question. Dans ce contexte, le problème est que les propos de Paul devaient automatiquement être reconduits à une parole christique pour qu’on les prit au sérieux. Comme si l’Apôtre n’avait rien vécu ni exprimé qui vint de lui-même.

  177. 177.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 349.

  178. 178.

    Ibid.

  179. 179.

    Ibid.

  180. 180.

    Ibid.

  181. 181.

    Ibid.

  182. 182.

    C. Senft, « F. C. Baur : apport méthodologique… », in F. Bovon & G. Rouiller (éds.), Exegesis, p. 61.

  183. 183.

    F. C. Baur, Vorlesungen über die christliche Dogmengeschichte, Bd. I, 1. Abt. Das Dogma der alter Kirche, Hg. v. F. F. Baur, Leipzig, Fues, 1865, p. 13.

  184. 184.

    Ibid., pp. 21–22.

  185. 185.

    A. Jülicher, Einleitung in das Neue Testament [1901], p. 80.

  186. 186.

    Ibid.

  187. 187.

    F. Vouga, « L’Épître aux Romains », in D. Marguerat (éd.), Introduction au Nouveau Testament, p. 189.

  188. 188.

    Comme Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 364.

  189. 189.

    Cf. sur ce point W. Bousset, « Der erste Brief an die Korinther » [1907], pp. 94–95.

  190. 190.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 374.

  191. 191.

    S. Légasse, EPT, p. 400.

  192. 192.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 371.

  193. 193.

    Voir W. G. Kümmel, Theologie des Neuen Testaments nach seinen Hauptzeugen Jesus, Paulus, Johannes, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 51987, p. 136.

  194. 194.

    Cf. Rm 1, 17–18 ; 8, 18 ; 1 Co 3, 13 ; Ga 3, 23 ; 1 P 1 5.57.13 ; 4, 5.

  195. 195.

    S. Légasse, EPT, p. 395.

  196. 196.

    Voir les explications de C. Sommer dans ses annotations à PSL, avec des références à précises à Eckart (Sermo dom. sexta post trinit. de ep. Rom 6, 3–11), chez qui le Sünde, assimilé à das Nicht, éloigne l’homme de Dieu et le destine à la mort, et à Luther (LWA 1, p. 197.361 ; LWA 3, p. 378 ; LWA 4, p. 600.650 ; LWA 9, p. 73 ; LWA 56, p. 12.327, etc.), chez qui le péché comme néant est privation de l’esse gratia.

  197. 197.

    T. Gousset, Théologie dogmatique ou exposition des preuves et des dogmes de la religion catholique, vol. 2, Paris, Lecoffre, 41850, p. 144 sq.

  198. 198.

    M. Goguel, La naissance du christianisme [21955], p. 471, voir également p. 472 et p. 486.

  199. 199.

    S. Légasse, EPT, p. 387.

  200. 200.

    C’est l’avis de Bornemann (Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 381), que Heidegger ne pouvait que partager en vertu du lien qu’il établit entre les deux Épîtres.

  201. 201.

    Cf. H. Gunkel, Zum religionsgeschichtlichen Verständnis des Neuen Testaments [1903], pp. 21–25 et pp. 27–35 ; W. Bousset, Die Religion des Judentums [1903], pp. 195–262 ; W. Bousset, Der Antichrist [1895], partie I, chap. v, viii, ix.

  202. 202.

    W. Bousset, Die Religion des Judentums [1903], p. 196.

  203. 203.

    Ibid., p. 207, p. 217, p. 196.

  204. 204.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 365.

  205. 205.

    Ibid., p. 367.

  206. 206.

    S. Légasse, EPT, p. 392 n. 4. Selon la thèse de la pseudépigraphie faisant du v. 5 une fiction littéraire introduisant le partage d’une information jusqu’alors inconnue

  207. 207.

    B. Rigaux, L’Antéchrist et l’opposition au royaume messianique dans l’Ancien et le Nouveau Testament, Paris/Gembloux, Duculot & Ruyer, 1932, 21950, p. 302.

  208. 208.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 404. Bornemann parle de wesentliche Übereinstimmung.

  209. 209.

    PG 82 col. 664 C10 – 665 A et col. 665 B. Cf. In Daniel. 7, 26 en PG 81, 1432 C – 1433. Nous remercions J.-N. Guinot de nous avoir aidé à localiser ces passages et de nous en avoir transmis une traduction remaniée.

  210. 210.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 404 et p. 555.

  211. 211.

    W. Bousset, Der Antichrist [1895], pp. 81–82 ; H. Gunkel, Schöpfung und Chaos [1895], pp. 224–225.

  212. 212.

    S. Légasse, EPT, p. 393.

  213. 213.

    Ibid.

  214. 214.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 367.

  215. 215.

    O. Cullmann, Christ et le temps [1947], pp. 117–118.

  216. 216.

    O. Cullmann, Christ et le temps [1947], p. 117.

  217. 217.

    Ibid.

  218. 218.

    O. Cullmann, Christ et le temps [1947], p. 62.

  219. 219.

    Ibid., p. 117.

  220. 220.

    A. Schweitzer, Geschichte der paulinischen Forschung [1911], p. 178.

  221. 221.

    E. Troeltsch, « Eschatologie. IV. Dogmatisch », in RGG 1, col. 622.

  222. 222.

    M. Brückner, « Eschatologie. III. Urchristliche » [1910], in RGG 1, col. 611.

  223. 223.

    Cf. Y. de Andia, Présence et eschatologie dans la pensée de Heidegger, Lille, PUL, 1975, p. 49.

  224. 224.

    H. Weinel, Biblischen Theologie des Neuen Testaments, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1913, p. 32 sq.

  225. 225.

    Cf. par exemple A. Jülicher, Einleitung in das Neue Testament [1901], pp. 45–46.

  226. 226.

    S. Légasse, EPT, p. 406.

  227. 227.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], pp. 359–360 ; E. v. Dobschütz, Die Thessalonicher-Briefe [1909], p. 264.

  228. 228.

    Cf. W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 360.

  229. 229.

    Traduction heideggerienne de νoὸς, en écho à 1 Th 5, 2 selon lecture de Schmidt : ἀkριβῶς oἴδατε = « klares Wissen ». Cf. P. Schmidt, Der erste Thessalonicherbrief [1885], p. 113.

  230. 230.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 360.

  231. 231.

    G. Hollmann, « Die Unechtheit des zweiten Thessalonicherbriefs » [1904], p. 34.

  232. 232.

    K. Barth, Der Römerbrief [1919], p. 161.

  233. 233.

    Ibid.

  234. 234.

    Ibid., p. 8, 62, 155, 165 et 398.

  235. 235.

    Ibid., p. 8 (Bengel, Gnomon Novi Testamenti, Tübingen, 31850, p. 42, à partir de Rm 6, 18).

  236. 236.

    S. Légasse, EPT, pp. 386–387.

  237. 237.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], pp. 362–363.

  238. 238.

    S. Légasse, EPT, p. 387.

  239. 239.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], pp. 362–363.

  240. 240.

    Pour des références, cf. C. Sommer, annotations à PSL, pp. 286–287 : LWA 42, p. 129 ; LWA 57, pp. 221–222 (« Car si tu demandes à un chrétien ce qui est requis pour mériter le nom d’un chrétien, sa réponse ne peut être que celle-ci : l’écoute du verbe de Dieu, c’est-à-dire la foi. C’est pourquoi les oreilles sont les seuls instruments d’un chrétien », en lien à Mc 7, 34–35 mais surtout à He 10, 5).

  241. 241.

    S. Légasse, EPT, p. 388.

  242. 242.

    W. Bornemann, Die Thessalonicherbriefe [1894], p. 363.

  243. 243.

    W. Bousset, Der Antichrist [1895], pp. 84–86; E. v. Dobschütz, Die Thessalonicher-Briefe [1909], p. 293.

  244. 244.

    E. v. Dobschütz, Die Thessalonicher-Briefe [1909], p. 292.

  245. 245.

    E. v. Dobschütz, Die Thessalonicher-Briefe [1909], p. 295.

  246. 246.

    Par où l’on voit que l’inauthentique et l’authentique se croisent et se chevauchent dans le présent même.

  247. 247.

    Néanmoins, la question demeure de savoir si notre philosophe suit encore l’Évêque d’Hippone lorsque celui-ci rattache cette interprétation à 1 Jn 2, 18–19 et 2, 20–22. L’unique problème de cette analogie est qu’elle confère droit de cité à une autre expérience que celle de l’Apôtre Paul. Ce n’est peut-être rien de rédhibitoire dans la mesure où le rédacteur de 1 Jn, incontestablement disciple de l’École johannique, a bien pu rédiger la lettre depuis Éphèse, où il pouvait partager l’Umwelt et la Mitwelt de chrétiens plus pauliniens. Dans ce sens E. v. Dobschütz, « Johanneischen Studien I », Zeitschrift für neutestamentliche Wissenschaft, 8, 1907, pp. 1–8 ; H. Braun, Gesammelte Studien zum Neuen Testament und seiner Umwelt, Tübingen, Mohr-Siebeck, 1962, pp. 210–242.

  248. 248.

    J.-F. Collange, L’Épître de Saint Paul aux Philippiens, Neuchâtel, Delachaux & Niestlé, 1973, p. 111.

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SCRIPTA AD §§ 27–29

SCRIPTA AD §§ 27–29

Seules deux annexes sont attachées à ce chapitre. Quoiqu’elles soient moins liées entre elles que celles relatives au chapitre précédent, elles conservent un intérêt capital en ce qu’elles examinent des points qui ne l’avaient pas tous été – ou pas ainsi – auparavant.

I. Monde et souciance [Ad §§ 27–28]

[153] 2 Th se distingue de 1 Th tout en s’en faisant l’écho direct. Le meilleur moyen de le montrer est d’interroger la « résonnance du mode de détermination du comment du quand ou destin en 2 Th » (GA60, 153). La notion de Resonanz annonce celle d’Anklange. Elle indique le contexte du texte et son rythme propre. Ceux-ci sont donnés dans un langage apprêté, tissant des interférences multiplesFootnote 223. Ce qui résonne, c’est la parole de Paul qui, dès 1 Th, partage la proclamation, non comme on lance un pavé dans la marre, mais en indiquant l’essentiel en elle, à savoir ce qu’il est ou non possible de dire à propos de la parousie. Avant, il s’agissait avant tout de refuser la fixation sur un Wann exclusivement quantitatif – le troisième sabbat d’Ethanim de l’an 74… – pour se concentrer sur le Wie qualitatif du Wann – l’incertitude absolue du Jour. Après, rien n’a changé, si ce n’est que tout s’est accentué (GA60, 154). La détermination radicale du comment dit avec encore plus de puissance l’indétermination fondamentale du quand. En clair, les signes détaillés par 2 Th n’ajoutent pas de la connaissance théorétique mais enrichissent un savoir facticiel.

Heidegger n’évoque pas la question du destin car il voudrait montrer, à la manière d’un Weinel, que la foi en le destin (Schicksalsglauben) des religions anciennes hante le NTFootnote 224. Paul est étranger à tout fatalisme cosmique. Dès la fin de la première Épître, le propos a presque perdu toute teneur chronologique : « Car Dieu ne nous a pas destinés <ἔθετo> à subir sa colère, mais à posséder le salut par notre Seigneur Jésus Christ » (1 Th 5 9). Depuis l’être-devenu chrétien, le destin est scellé. Ce qui reste encore à déterminer, c’est comment vivre son existence jusqu’au Jour. Que dit 2 Th à ce sujet ? Heidegger se contente ici de deux observations complémentaires.

1) À la lecture de 2 Th, on voit sans peine que l’« insécurité [Unsicherheit] s’est accrue » (GA60, 153-154). La formulation laisse entendre qu’il faut apprécier cette évolution globalement. Elle combine trois aspects. D’abord, 1 Th a fait son œuvre. Ensuite, la période qui succède à la réception de 1 Th créé de la dispersion et, pourtant, renforce la cohésion individuelle et collective des croyants qui s’accrochent fermement à leurs engagements en inscrivant leur foi dans la constance en dépit de tout. Enfin, 2 Th recueille ces deux premières phases tout en leur conférant une autre dimension : elle dit sur un mode indicatif-allusif comment ce qui s’est passé s’est passé, comment ce qui se passe se passe et comment ce qui se passera se passera. Ainsi, 2 Th « pousse davantage encore à l’accomplissement » de l’insécurité, celle-ci n’étant pas à penser ou à méditer mais à vivre comme une manière d’être-chrétien ou de réaffirmer son être-devenu-chrétien (GA60, 153–154). Concrètement, Paul entretient ses interlocuteurs du « désarroi » ou de la « désolation » (Verzweiflung) qui assiège les chrétiens et qui accapare leur existence (GA60, 154). Soucieux de prouver que le discours paulinien n’a rien à voir avec du moralisme, Heidegger souligne la manière dont l’Apôtre s’exprime à propos de la « possibilité » de la désolation et d’un « pouvoir-supporter » (Durchhaltenkönnen) (GA60, 154). Ceux qui en font l’expérience sont privilégiés : cela renforce leur foi. L’objet de 2 Th, c’est donc « cette affliction » précise de la désolation et « sous ce mode particulier » de la possibilité actualisée par Dieu dans la vie de ceux qui lui ont fait confiance et continuent de le faire (GA60, 154). Il est sous-entendu qu’il existe par ailleurs une autre affliction, à laquelle on se rapporte différemment. Celle-ci constitue le contrepoint de ce que Paul enseigne à la communauté. Autrement dit, il est possible d’être « soucieux de manière chrétienne […] sans l’être cependant authentiquement » aux yeux de Dieu (GA60, 154). En bref, le souci chrétien se dédouble. Il convient alors de se décider pour le souci de la christianité de son expérience et contre le souci du christianisme en tant que couverture. Dans cette optique, l’aspect décisif du souci n’est plus tant dans le regard que Dieu porte sur nous ou dans celui que nous portons sur lui en tant que Deus ordinans, que dans le regard que nous portons sur nous-mêmes. Bien se tenir devant Dieu, c’est bien comprendre son affliction – et vice versa. Dès lors qu’on prend l’affliction pour ce qu’elle est vraiment, l’expérience s’intensifie, le savoir de la foi se fait plus précis et la disposition au salut plus parfaite.

2) À l’origine de l’accroissement de l’insécurité, il y a une « accentuation de l’accomplissement » de l’expérience d’être-devenu-chrétien (GA60, 154). La décision de vivre pleinement la situation en se mettant à l’écoute de la proclamation entraîne une insécurité accrue dont il s’agit encore de saisir le bienfondé. Mais ce n’est pas tout. L’accentuation de l’accomplissement donne lieu à une « accentuation de l’inimportance [Unwichtigkeit] de la vie mondaine » (GA60, 154). Plus la foi assumée et accomplie en la parousie prend de la place dans la vie de l’individu, plus les exigences propres de la vie chrétienne se précisent. Il convient de rester sobre et vigilant dans l’épreuve, de veiller et de prier en endurant. Puisque le monde dans lequel on souffre est en train de passer, il n’est plus question de s’y rapporter comme on le faisait auparavant. Sa valeur diminue en tant qu’on sait désormais qu’un monde meilleur est sur le point de s’y substituer, du moins pour ceux qui croient. Ce qui est dévoyé de son importance et de sa signifiance n’est pas le monde de la vie en tant que tel, mais la vie conforme au monde non imprégné de religiosité. Le bon croyant n’est insouciant qu’en regard de ce monde dont il parvient plus ou moins brillamment à se détacher. Inversement, s’il est juste de dire que l’incroyant possède une certaine souciance, il faut aussitôt ajouter que celle-ci l’arrime justement à ce monde – pour le moment. La question devient alors : comment Paul articule-t-il monde et souciance ? Au moyen d’une règle d’or : la seule souciance authentique est celle qui libère de ce monde-ci tout en orientant l’existant vers le monde qui vient. Cependant, on peut être préoccupé par la parousie de deux manières : en s’activant ou en se laissant aller. Seule la première est digne d’un vrai chrétien, car en maintenant l’existence sous tension, elle prépare l’individu aux bouleversements inouïs qui l’attendent. La seconde, au contraire, fragilise l’existence et sème la confusion dans les connexions de sens établies par la proclamation. La distinction est claire en 2 Th 3 : « faire et continuer de faire » (3, 4) et « travailler » (3, 8.12) s’opposent à « ne pas vouloir travailler » (3, 10) et « mener une vie désordonné, affairé sans rien faire » (3, 11). Heidegger y renvoie à nouveau en énumérant les facteurs de déchéance que sont le « fainéantise » (Nichtsthuerei) et « l’affairement du discours et de la spéculation » (Vielgeschäftigkeit des Redens und Spekulierens) (GA60, 154).

Ne doit-on pas s’étonner que l’attitude chrétienne engendre une indifférence vis-à-vis de la vie mondaine mais requiert pourtant qu’on travaille dans le monde ; tandis que l’attitude inverse ancre le souci inauthentique du monde dans l’inaction et le laisser-aller le plus total ? La clé de ce paradoxe scripturaire réside dans le sens référentiel par lequel l’Apôtre va relier la souciance au monde. Si le monde est vu et vécu comme le lieu où se prépare l’accès au Royaume, alors il est juste d’y œuvrer, car en y œuvrant, on se prépare à le quitter dans les meilleures conditions.

II. Comment se tenir prêt ? [Ad §§ 27–28]

[154] En marge d’explications spéciales quant aux modifications concomitantes de tonalité et d’attitude dans le double régime textuel et expérientiel, Heidegger attire l’attention sur la configuration herméneutique de l’articulation entre 1 et 2 Th. Il conseille d’étudier, à partir du fait du « non-comprendre » ou du « déficit de comprendre » (Nichtverstehen), « comment les Thessaloniciens auraient dû comprendre et comment Paul les aide à comprendre maintenant avec 2 Th » (GA60, 154). Le projet n’est pas de corriger un enseignement primitif inexact ou insuffisamment clair, encore moins de capitaliser sur un succès en ajoutant du sens au sensationnel ou inversement. Paul ne revient à aucun moment sur ce qu’il a dit. Ce qui est mis en cause, c’est le comprendre d’une partie des néo-chrétiens qui s’est égarée dans les méandres de la vie mondaine, qui n’a pas su éviter la chute lourde. Après l’avoir accueillie, tous n’ont pas réalisé les efforts nécessaires à la prise en charge de la proclamation. Certains se sont laissés influencés par des éléments parasites à la fois internes et externes jusqu’à perdre le fil du message. Certains l’ont perdu définitivement : fermés au kérygme ainsi qu’à son sens, ils subiront bientôt les foudres de quiconque opte pour le plaisir de l’injustice plutôt que pour la vérité (2 Th 2, 12). D’autres sont des cas-limites : le sens leur est voilé et ils en sont en partie responsables, mais ils ne sont pas voués à la colère. Aussi ne devrait-on pas les considérer comme des ennemis, mais plutôt les reprendre comme des frères (1 Th 5, 12 ; 2 Th 3, 15).

Heidegger situe cette reprise ou ce redressement, non sur le plan moral, mais sur le plan herméneutique. Dans sa première missive, Paul disait déjà vouloir revenir chez les Thessaloniciens pour compléter ce qui manquait à leur foi (1 Th 3, 10), c’est-à-dire continuer de leur enseigner comment comprendre et se comprendre correctement. À défaut de revenir, il leur a écrit, par deux fois, pour partager cet enseignement. Il n’est pas inutile de se demander si, au moins en ce qui concerne 2 Th, le choix de l’écriture n’est pas délibéré. Ce n’est pas seulement que les écrits restent – et circulent –, mais aussi qu’ils rendent possibles des connexions de sens qu’une oratio tend à inhiber en raison de l’émotion qui submerge aussi bien l’orateur que son auditoire. L’Épître a l’avantage de véhiculer le pathos tout en lui donnant forme, en l’inscrivant dans une histoire qui est d’ailleurs tissée de références scripturaires. Elle impose une distance herméneutique que le croyant a la responsabilité toute religieuse de se réapproprier personnellement. Peut-être alors que l’Apôtre écrit une puis deux fois afin que chacun ait une chance de comprendre par lui-même et de décider en son âme et conscience. Bien sûr, pour des raisons allant de l’illettrisme à l’élitisme, tout croyant ne devait pas avoir affaire directement au texte. Mais rien n’interdisait d’écouter et de réécouter ce qui devait constituer le refrain de sa vie religieuse et de se familiariser toujours plus avant avec le sens.

Que le sens de l’écriture – qui va devenir Écriture – ne soit pas originellement de pallier l’absence physique, c’est ce que Heidegger entend montrer en décortiquant 2 Th, qui lui semble construite de manière similaire à 1 Th. Négativement d’abord, le philosophe se refuse à diviser l’Épître à la manière des exégètes. Sa partition de 2 Th se distingue radicalement de celles qui ont cours en son tempsFootnote 225. À ne vouloir manquer aucune nuance, l’exégèse s’accroche à la construction sans remarquer ce qu’elle recouvre. Heidegger tranche dans le vif : « chapitre 1 : le se-tenir-prêt, chapitre 2 : à nouveau deux modes de comportement » (GA60, 154). Il est à noter que le chapitre 3 n’est pas cité. N’allons pas croire qu’il est à négliger. C’est plutôt que son propos est essentiellement parénétique, en sorte qu’il ne participe qu’indirectement à l’économie fondamentale de l’Épître. Cette dernière se reflète dans la structure binaire des deux premiers chapitres, qui reprend grosso modo celle des chapitres (3-)4 et 5 de 1 Th.

Dans un premier temps, il s’agit de remettre au centre de l’existence le se-tenir-prêt à la parousie, de réactiver l’angoisse instaurée par le biais de la première Épître afin que la communauté se sente à nouveau concernée par son sort après que le temps et certainement quelques missionnaires judéo-chrétiens aient commencé d’effacer son souvenir. Le « se-tenir-prêt » (Sichbereithalten) se signale par un rappel de l’appel dont le but est d’interpeller de plus belle les croyants quant à leur sort. Il sert à les réveiller, à les rendre de nouveau réceptifs à la proclamation. Le chap. 1 possède donc un rôle interlocutoire. Son objectif est de provoquer une coupure dans le cours de la vie de la communauté telle qu’elle a repris depuis la réception de la première Épître. De ce fait, il se présente également comme un second point d’ancrage pour le comprendre des croyants. Se-tenir-prêt à la parousie est donc originellement se-tenir-prêt à comprendre ce que le Christ-Dieu requiert de chacun et de tous avant son retour.

Cela permet de comprendre comment, dans un second temps, Paul réintroduit la distinction entre deux modes de comportement traversant déjà 1 Th 5, qui opposait « ceux qui diront “Quelle paix, quelle sécurité !” », sur qui « fondra la ruine », qui sont dans les « ténèbres », qui « dorment » et « s’enivrent », à ceux qui ne sont « pas dans les ténèbres », les « fils de la lumière, fils du jour », « vigilants et sobres », « revêtus de la cuirasse de la foi et de l’amour, avec le casque de l’espérance du salut ». Ce second temps indique qu’on se prépare d’abord à une décision. Le croyant doit trancher. Comment veut-il vivre sa vie jusqu’au moment de la parousie ? En vérité, ce choix a déjà été fait (2 Th 2, 13–14), mais il s’agit maintenant de s’y tenir (2 Th 2, 15–17). Les actes doivent succéder aux paroles, l’accomplissement de la proclamation à son acceptation. Sachant que le comprendre est déjà en soi un accomplissement, Paul compte sur le fait qu’un discours subtil réveillera et décidera dans la foulée tous les membres de la communauté concernés.

Dès lors, il n’est pas étonnant que Heidegger mentionne pour la troisième fois la notion de « plérophorie » (GA60, 154). S’interrogeant sur ce qu’elle signifie et ce qu’elle vise en 2 Th, il répond sans détour qu’elle sert justement « l’accentuation de l’accomplissement existentiel par et dans l’Épître » (GA60, 154). Paul cherche à récréer, avec plus de force encore qu’auparavant, la correspondance établie en 1 Th entre la plérophorie comme mode de discours et la plérophorie comme accomplissement ou plénitude vécue de la foi (1 Th 1, 5). Y parvient-il ? Heidegger semble affirmatif. Néanmoins, il suggère, à partir de deux exemples choisis, que tout un processus sous-tend l’argumentation paulinienne. Autrement dit, la correspondance précitée demande, au moins aux lecteurs modernes que nous sommes, un effort d’interprétation.

1) Le premier exemple met en scène la notion d’εὐδoκία (GA60, 154). Ses dérivés sont utilisés par deux fois en 2 Th.

D’abord en 2 Th 1, 11 (premier chapitre) : « Voilà pourquoi nous prions continuellement pour vous, afin que notre Dieu vous trouve dignes de l’appel qu’il vous a adressé ; que, par sa puissance, il vous donne d’accomplir <πληρώσῃ> tout le bien désiré <εὐδoκίαν> et rende active votre foi ». Ici, le terme s’apparente à la bonne volonté religieuse du croyant : on espère que Dieu en soutiendra l’effectuation. Heidegger radicalise cette lecture : il ne s’agit pas seulement de vouloir bien ou de vouloir le bien, mais avant tout de montrer de la « résolution » (GA60, 154). 2 Th témoigne d’une situation ad hoc : la phase de délibération est passée, mais celle de l’exécution n’est pas encore arrivée. Entre les deux, il y a la phase de décision. C’est elle que cible l’Apôtre, car ainsi que le souligne Heidegger, c’est en elle que se déploie l’« ἔργoν πίστεως » (GA60, 154). Le message est donc : tenez-vous prêts à décider, soyez disposés à user de la puissance de votre foi et du savoir qui la complète pour refaire le choix qui s’impose.

Ensuite en 2 Th 2, 12 (deuxième chapitre) : « afin que soient jugés tous ceux qui n’ont pas cru à la vérité mais ont pris plaisir à l’injustice <εὐδoκήσαντες τῇ ἀδικίᾳ> ». Ici, le discours change. On observe le sort de ceux qui ont tranché dans le mauvais sens, qui ont « consenti volontairement et pris plaisir à l’iniquité »Footnote 226 pour la bonne raison qu’ils n’ont pas fait l’effort de comprendre comment ils doivent exercer la puissance dont ils disposent en vertu du don de la foi. On retrouve les deux modes de comportement déjà mentionnées. Un seul est cité, mais l’autre est implicite : l’œuvre de la foi versus le « péché » (GA60, 154). Le déficit de comprendre mène systématiquement vers le pire. À l’inverse, le comprendre authentique que Paul recherche annonce le meilleur.

Pour quel sort va-t-on se décider ? L’épilogue de cet exemple montre une chose : même si des options négatives ont été prises, à l’heure où Paul est lu ou relu par les Thessaloniciens, rien n’est définitivement perdu pour ceux qui seraient pris de remords. Revenir du péché, se repentir : c’est en droit possible pour peu qu’on se remette à l’écoute de l’appel. Heidegger confirme en citant 2 Th 3, 5 (troisième chapitre) : « Que le Seigneur vous conduise à l’amour de Dieu et à la persévérance du Christ » (GA60, 154). Paul n’a jamais cessé de prier pour tous les Thessaloniciens, à tel point que cette prière continue révèle le présupposé incontournable de son herméneutique : se tenir en Christ pour tenir et se retenir de commettre le mal. Christ a le pouvoir de diriger (κατευθύνειν) le cœur (καρδία) qui, en tant que siège de la vie spirituelle, est aussi le centre vital du comprendre. 2 Th 3, 5 est une réminiscence de 1 Th 3, 11. Mais le verset s’adapte à une situation nouvelle : le temps passe et le Jour est plus près encore. Puisqu’il est de moins en moins question d’une rencontre physique, comprendre devient le moyen privilégié de se déterminer avant la parousie.

2) Le second exemple s’enracine dans 2 Th 2, 2 : « ne vous laissez pas facilement être agités loin de la raison ni effrayés à cause d’un esprit ou d’une parole ». Heidegger souligne μὴ ταχέως σαλευθῆναι et ἀπὸ (GA60, 154). Il éclaire ainsi la liaison de premier ordre entre Lebensstellung et Verstehen. Σαλευθῆναι renvoie à l’image d’une mer agitée (Lc 21, 25), tandis qu’ἀπὸ (hinweg von, cf. Rm 9, 3) indique l’éloignement d’avec la « faculté de juger avec clarté et pondération », la sortie « hors du jugement critique » (νoὸς)Footnote 227. Ces remarques philologico-exégétiques confortent l’analyse heideggérienne selon laquelle le vécu est fonction du comprendre et suit ses oscillations. Et inversement en vertu du fait que vivre c’est comprendre et comprendre c’est vivre. Ainsi, qui s’éloigne du sens – le νoὸς de 2 Th 2, 2 a parfois été traduit par Sinn Footnote 228 – en subit les conséquences. Très concrètement, ces conséquences se donnent, sur le plan du vécu, sous la forme d’un « être ébranlé » (erschüttert werden) et d’un « devenir confus » (verwirrt werden), traductions heideggériennes de σαλευθῆναι soulignant combien l’existence devient « incertaine » au sens où ses bases mêmes vacillent (GA60, 154). Le cas échéant, c’est que, tout aussi concrètement, les états engendrés correspondent, sur le plan du comprendre, à la « perte du savoir lucide » (klares Wissen)Footnote 229, plus exactement à la perte de la lucidité qui donne « l’orientation fondamentale de notre savoir », à savoir la foi elle-même, à l’origine de son propre savoir (GA60, 154).

En réunissant les deux plans précités – qui n’ont été séparés que pour les besoins de l’analyse –, on débouche sur la notion de peur. Heidegger parle d’un « s’effrayer » (erschreckt werden) (GA60, 154). Il reprend la traduction luthérienne de θρoεῖσθαι au v. 2, auquel il accorde bien plus de poids que Bornemann, qui n’y voit pour sa part qu’une simple « stupeur »Footnote 230. C’est que l’enjeu du philosophe est tout autre que celui du théologien. Il entend démontrer que cette peur qui saisit quelques croyants et les pousse à anticiper la parousie n’est justement pas l’insécurité authentique mais un falschen Schrecken, une « fausse peur » ou une « fausse frayeur » qui ne doit « en aucun cas être confondue avec la crainte et le tremblement religieux [religiöser Furcht und Zittern] » (GA60, 154). Bornemann ne fait pas cette distinction, que Heidegger élabore pour sa part au moyen d’un vocabulaire apparemment kierkegaardien, mais en réalité d’origine paulinienne : « avec crainte <φόβoυ> et tremblement <τρόμoυ> mettez en œuvre votre salut, car c’est Dieu qui fait en vous et le vouloir et le faire selon son dessein bienveillant <εὐδoκίας> » (Ph 2, 12b–13). Crainte et tremblement devant la parousie ne sont pas des sentiments « donnés » par les moyens énumérés et réfutés par Paul en 2 Th 2, 2 : esprit, parole ou lettre (GA60, 154). Ces derniers sont envisagés à cet endroit comme des contrefaçons de l’Esprit, de la Parole et la Lettre authentiques et, pour cette raison, réduits à la notion de discours (Rede) au sens de bavardage (Gerede), par laquelle le comprendre se voit imposé les « déterminations “objectives” » du genre « le jour est arrivé » (GA60, 154).

III. Tout comprendre dans l’optique de l’histoire du salut [Ad §§ 27–28]

[154] La seconde section de l’annexe aborde ce qu’il est convenu d’appeler la « nouvelle question du quand de la parousie [en] 2 Th 2, 1–12 » (GA60, 154). Savoir en quoi consiste la nouveauté exige logiquement de repartir de l’Épître précédente. Le point de départ est la péricope 1 Th 5, 1–11 où, après avoir évoqué le sort des morts et assuré que ceux-ci ne seront pas oubliés lors du retour du Christ, Paul recentre son propos sur la temporalité de la parousie (GA60, 154). Il nous faut dire temporalité et non pas simplement temps, car 1 Th 5, 1–11 indique « déjà comment le quand doit être compris » et « ce qui est décisif en lui » (GA60, 154). En l’occurrence qu’il n’a de sens que s’il est saisi comme s’accomplissant effectivement dans l’individu et certainement pas s’il continue d’être envisagé en tant que détermination objective d’un événement dont le soi serait un simple spectateur. C’est l’interprétation que le philosophe déploie à partir de 2 Th 2, 1–12 :

« En fait, Paul ne veut pas mesurer le quand, ou bien fixer le “prochain” [bald] ou le “non-prochain” [nicht bald] (c’est-à-dire atténuer, voire même retirer ce qu’il a dit auparavant) ; au contraire : concernant le quand, vous ne devriez pas vous attacher, par le fait d’une souciance erronée, à des gens qui vous déçoivent ; comprenez plutôt tout dans l’optique de l’histoire du salut, comme je vous l’ai aussi explicité à partir de la foi, dans un comportement fondamental envers Dieu ou envers son adversaire (péché) » (GA60, 154–155).

Une telle analyse du lien entre 1 Th 5, 1–11 et 2 Th 2, 1–12 n’est possible qu’à la condition d’admettre l’authenticité de la deuxième Épître. 2 Th 2, 1–12 n’est pas un démenti eschatologique (Hollmann)Footnote 231, mais un enrichissement de l’articulation entre Wann et Wie entamée en 1 Th 5, 1–11. Paul maintient l’indétermination temporelle sur le plan objectif en vue d’accentuer la détermination temporelle sur le plan historico-accomplissant. Il n’est pas dit que la parousie viendra plus vite ou plus lentement que ce qui était prévu, puisque rien n’était prévu. Le seul vrai sujet a toujours été et continue d’être comment se relier au quand et, surtout, à partir de quels repères. Ainsi, deux configurations s’opposent :

1) La première consiste à se laisser instruire au sujet de la parousie par des individus mal informés, leurrés par un Wann objectif qu’ils ont parfois objectivé eux-mêmes en cherchant à se faciliter la vie. Tout commence par un manque d’écoute puis, très vite, se greffe une certaine forme de mauvaise foi. Des croyants orthodoxes en viennent à douter d’eux-mêmes pour de mauvaises raisons et, pis encore, à s’inquiéter de ce qui n’est pas digne d’inquiétude. Les tenants d’une conception objective de la parousie ont un discours qui tend à dédoubler la souciance. Celui-ci engendre une souciance inauthentique, dérivée, superficielle. Car elle ne s’enracine pas dans une compréhension de l’attente de la parousie comme expérience de la conscience intime de la temporalité eschatologique. L’attente se transforme en impatience, qui tourne elle-même à la volonté de prévoir la parousie et de la maîtriser. En externalisant le temps, en posant la parousie comme quelque chose qui arriverait du dehors, on pense se préserver. Mais tout est déjà à l’intérieur, tout s’avance déjà à l’intérieur. Il est donc vain de chercher à fuir, puisqu’on ne peut partir ou se départir de soi-même, et puisqu’on sera toujours rattrapé par l’événement à venir. D’où la « déception » engendrée par le discours qui inscrit la parousie dans une temporalité objective (GA60, 154). Le croyant doit réaliser le décalage entre ce dont on veut le convaincre et ce qu’il ressent au plus profond de lui. Il n’a rien à gagner à faire sienne cette délocalisation de la parousie dans un temps qui n’est pas essentiellement le sien.

2) La deuxième configuration se définit d’abord comme l’inverse de la première. Le croyant s’y montre hermétique à toute pression extérieure. Il refuse de comprendre la parousie dans l’horizon d’une temporalité dont il ne serait pas le siège. Acceptant de bonne foi les épreuves qu’impose l’acceptation de la proclamation, il se donne les moyens de la compréhension de ce qui vient et de la compréhension de soi devant ce qui vient. Ici, le Wann est un fil conducteur qui permet de remonter au Wie, donc à la vraie souciance, celle ouvrant le chemin vers soi-même, vers son monde propre tel qu’il est reçu de Dieu et cultivé par et dans la foi. Pas d’évitement de l’expérience, pas de renoncement devant la dureté du sens : tels sont les mots d’ordre qui émanent du discours paulinien. Cette posture est rendue possible par un effort de compréhension dans l’horizon temporel bien spécifique qu’est l’histoire du salut. Il est assez rare que Heidegger parle d’histoire du salut pour qu’on s’y arrête brièvement. Qu’est-ce que signifie tout comprendre dans l’optique de la Heilsgeschichte (GA60, 154) ? Le philosophe pense une histoire immanente au croyant, nourrie de sa relation fondamentale avec Dieu, à partir de laquelle le monde reçoit un sens. L’histoire du salut appartient au pré-théorétique. Elle vient avant l’histoire du monde (Weltgeschichte) et la conditionne.

En deçà de la question d’une quelconque filiation, il convient de s’interroger sur l’opportunité de se raccrocher ici à l’histoire du salut. Apparaît alors l’inséparabilité des dimensions salutaire et scripturaire au sein de cette dernière. Si Heidegger s’en réfère indirectement aux racines vétérotestamentaires de la Heilsgeschichte, ce n’est pas tant pour accentuer la conception prophétique d’une histoire amenée à se clore avec la réalisation de l’espérance d’Israël que pour signifier comment règne chez les prédécesseurs de Paul la conviction de posséder une histoire déterminée de part en part par Dieu lui-même et tenant sa signifiance de lui seul. De même, dans la reprise chrétienne de cet héritage, Heidegger ne privilégie pas le caractère supranaturel de l’histoire mais le fait qu’elle soit continuellement sanctifiée par l’Événement-Christ. Ainsi, la problématique du miracle à cause de laquelle la Heilsgeschichte est tombée en disgrâce dans la théologie moderne n’est en rien déterminante, car elle n’est jamais interrogée qu’en regard d’une conception objective de l’histoire, à l’aune de laquelle elle est jugée – et condamnée. En partant de Paul, Heidegger soutient que les « faits historico-saints » (Heilstatsachen) ne doivent pas être pris isolément. Ils nécessitent au contraire d’être embrassés d’un même regard afin qu’apparaissent les connexions de sens qui les relient pour former le socle situationnel de la cohésion historico-accomplissante. N’est-ce pas ce que Paul accomplit en inscrivant la proclamation dans le cours d’un drame qui commence avec la création d’Adam, se poursuit de manière décisive avec le mort et la résurrection du Christ et annonce son implosion ou son éclatement avec le retour de ce dernier ?

La situation qui se dessine ne pourra pourtant pas être qualifiée d’homogène, car l’histoire qui l’enveloppe et la motive n’est pas horizontale mais verticale. Elle n’avance pas mais s’accomplit. Elle se déploie de manière événementiale et donc vivante, recevant ses impulsions de l’irruption de nouveaux faits historico-saints au sein de la situation. Heidegger arrache l’histoire du salut à la doctrine ecclésiastique-confessionnelle qui l’a portée avant d’en renverser la sens. Elle n’est plus cette histoire s’enracinant dans un point de vue objectif et supranaturel, mais cette histoire se fondant sur et dans une situation personnelle motivée par l’accomplissement de la foi. Est-ce à dire que notre philosophe arrache l’histoire du salut à la pensée orthodoxe pour la rendre à la pensée libérale ? Rien n’interdit de le supposer étant donné que sa réflexion développe une conception de la foi fondée dans la conscience religieuse subjective plutôt que dans l’autorité d’une histoire extérieure, objective et supranaturelle. Il va cependant plus loin en pensant la foi comme mesure de l’histoire d’un soi, imposant à la pensée libérale d’internaliser l’histoire du salut.

C’est là une manière subtile de fondre « théologie du fait » (Theologie des Tatsachen) et « théologie de la conscience » (Theologie des Bewusstsein) qui n’est pas sans rappeler Barth. Commentant Rm 6, 8 (« Mais si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui »), le théologien dialectique inscrit la question de l’histoire dans celle de la tension de l’existence vers ce qui vient, vers le Règne de la grâce, qui fait corps avec les événements qui ont déjà eu lieu et qui nourrissent la foi. Le croyant est un être au combat, qui lutte pour continuer de devenir celui qu’il a à être face à ce qui doit advenir. Il est tout entier poussé par son être-devenu-chrétien vers ce qu’il attend et qui l’attend. Au point qu’en ce qui le concerne, il n’y a d’expérience que l’expérience de Dieu, de psychologie que la psychologie de la grâce, et d’histoire que l’histoire du salutFootnote 232. Cette dernière possède sa légalité et sa force propres, qu’elle tire de la vie et de l’histoire du Christ dans lesquelles le converti est précipité après sa conversionFootnote 233. L’histoire du salut qu’enseigne Paul est une histoire vivante, organique et non mécaniqueFootnote 234. Une histoire qu’il est impossible de comprendre en dehors du leitmotiv de Bengel que Barth fait sien : « Centrum paulinum, FIDES »Footnote 235. Ainsi, Paul explique tout dans l’optique de l’histoire du salut afin que les croyants puissent mieux comprendre et se comprendre. Et si le phénoménologue se place dans une perspective analogue, il devrait tout naturellement faire un gain herméneutique similaire.

Notons encore que le procédé vise à contrecarrer la déception que la conscience peut expérimenter dès lors qu’elle réalise la vacuité des conceptions objectives de la parousie. Le discours développé en 2 Th 2 vise justement à prévenir ce genre de déception : « Plus personne, y compris les spéculateurs et les bavards, ne pourra dire : “le Jour est là” », ou faire croire à tort que « “maintenant” » est « le maintenant, car “avant” cela, l’Antichrist doit apparaître » (GA60, 155). Étant donné que la situation s’est modifiée, Paul se charge d’y inscrire de nouveaux repères par le truchement desquels le croyant sera capable de continuer son chemin ou bien de le retrouver s’il s’en est éloigné. Ceci étant, la proclamation de l’Antichrist et son apparition n’ouvrent en rien une nouvelle histoire, une histoire dans l’histoire, voire une contre-histoire qui contredirait l’histoire du salut.

Tout ce qui relève de la proclamation et de l’apparition de l’Antichrist n’a rien d’un « accident » qui briserait la cohésion (de sens) de la situation décrite par Paul, mais se présente inversement comme « quelque chose d’Essentiel, même si Négatif, qui va à la rencontre de Dieu et des chrétiens » (GA60, 155). Que la problématique de l’Antichrist ne doive pas être traitée comme un épiphénomène, c’est ce que montre le fait que Paul ne surdétermine pas ce qui précède (Vorher) et ce qui suit (Nachher) immédiatement l’apparition de l’Antichrist (GA60, 155). Ces moments ne remplacent pas la parousie. Ils ne sont pas les pierres angulaires d’un événement mais de simples marques distinctives et préfiguratrices parmi d’autres. Ce qui importe, c’est le « d’abord » ou Zuvor, terme par lequel Heidegger traduit le πρῶτoν de 2 Th 2, 3 (GA60, 155). Or, ce Zuvor « ne connote pas un ordre ou bien une attitude mais la souciance – quelque chose d’existentiellement signifiant » (GA60, 155). Le verset concerné dit à sa manière ce qui prime, soit l’expérience de la souciance : c’est elle qui a la signifiance et non l’Antichrist en tant que tel (GA60, 155).

IV. Question de l’Antichrist et problème de la parousie : degrés et implications

[155] L’alinéa suivant confirme cette lecture. Heidegger invite à « prêter attention à l’introduction de la question de l’Antichrist par le biais du problème (existentiel) décisif de la παρoυσία, en l’occurrence sous l’angle du pur tenir-bon croyant » (GA60, 155). Levons d’emblée une ambiguïté : le παρoυσία-Problem ne relève pas de la parousie de l’Impie marquée par l’activité de Satan (2 Th 2, 9) mais bien de la « parousie de notre Seigneur Jésus Christ » qui ouvre le second chapitre de l’Épître. Précisons-le, car, bien sûr, il ne faudrait pas penser que le discours sur l’Antichrist recouvre le discours sur le Christ et que l’apparition du premier relègue celle du second à l’arrière-plan. C’est tout le contraire.

La parousie de l’Antichrist ne sert qu’à illuminer la parousie du Christ. Cela n’est pas évident à première vue dans la mesure où, nous venons de le voir, Paul use du terme πρῶτoν pour qualifier la venue de l’Antichrist. Mais ce πρῶτoν veut dire en réalité : que vienne d’abord l’Antichrist signifie que le Jour du Seigneur arrive, et non : la venue de l’Antichrist a la priorité sur celle du Christ. Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment Paul introduit son propos : « ὑπὲρ τῆς παρoυσίας τoῦ κυρίoυ… » (2 Th 2, 1). Il n’y a qu’un seul sujet, et tout ce qui suit s’y rapporte. Cependant, Heidegger ne s’appuie pas seulement sur la structure du discours. Il prend en compte la teneur même du propos. Le sujet est la « venue de notre Seigneur Jésus Christ » (comme en 1 Th 3, 13 ; 4, 15 ; 5, 23) mais aussi et simultanément « notre rassemblement auprès de lui » (καὶ ἡμῶν ἐπισυναγωγῆς ἐπ̕ αὐτόν) (2 Th 2, 1). Notre penseur sait ce motif emprunté au judaïsme (Es 27, 13 ; 2 M 2, 7) et transformé (GA60, 155). Sans doute relève-t-il sa christologisation, mais plus encore son corollaire expérientiel, en l’occurrence un soutien mutuel dans l’épreuve de l’attente. Une épreuve qu’on traversera grâce à un « pur tenir-bon croyant » (rein gläubigen Festhalten), l’antithèse parfaite de l’éparpillement et de l’incompréhension évoqués en 2 Th 2, 2 (GA60, 155).

Pour en revenir à la question de l’Antichrist, voyons que son introduction par le biais du problème de la parousie vise à comprendre comment vivre le temps qui reste. La proclamation et l’apparition de l’Antichrist sont à entendre « comme des “signes du temps” – qui donnent le “sens” du temps et de l’expérience temporelle du Jour – dont le comprendre expérientiel (croyant dans la mesure où il est résolu) doit tirer son sens » (GA60, 155). Placée entre guillemets, l’expression « signe du temps » (Zeichen der Zeit) est probablement empruntée aux synoptiques : « Ainsi vous savez interpréter l’aspect du ciel, et les signes de temps <σημεῖα τῶν καιρῶν>, vous n’en êtes pas capables ! » (Mt 16, 3 // Lc 12, 56). Jésus se met en colère contre les Pharisiens et les Sadducéens. Ils exigent pléthore de signes alors qu’ils ne sont même pas en mesure de reconnaître ceux qu’ils ont sous les yeux. Rapporté à Paul, cela signifie que l’Antichrist est encore un signe manifeste de la proximité de la parousie et que c’est en cette qualité de signe qu’il donne le sens du temps, de l’expérience temporelle du Jour et du comprendre qui s’y réfère. Il indique quelque chose qui n’est pas lui mais qu’il sert cependant à éclairer par sa présence. L’Antichrist fait en quelque sorte office de déclic herméneutique : il doit orienter le comprendre vers l’essentiel et donc le détourner de ce qui ne l’est pas. Par ailleurs, il n’est pas anodin que la parole de Jésus sur les σημεῖα τῶν καιρῶν mentionne le problème de la faiblesse de l’interprétation. Le manque de discernement évoqué dans les synoptiques fait écho au déficit de comprendre qui s’installe chez les Thessaloniciens entre la réception de la première et de la deuxième Épître.

Dans l’expression « signe du temps », ce que signifie le signe l’outrepasse. Ici, le signifié prend incontestablement l’ascendant sur le signifiant. La parousie de l’Antichrist n’a de sens qu’en ce qu’elle précède celle du Christ. Car elle place le croyant et son comprendre devant le sens authentique du temps comme expérience intégrale de la temporalité eschatologique. La parousie de l’Antichrist est une invitation à cesser d’observer les signes (de signis temporum observandis) et à transformer leur interprétation en un vrai comprendre, un vivre dans le temps du Christ. Le sujet du « rassemblement » (ἐπισυναγωγῆς) auprès du Christ (2 Th 2, 1) vaut comme métaphore d’un appel à se rassembler soi-même, c’est-à-dire à faire retour à soi.

La question de l’Antichrist est donc introduite à travers le problème de la parousie et lui reste attachée dans l’ensemble de 2 Th 2. Notons cependant qu’elle ne va produire ses effets qu’en s’éclatant dans le discours et en colonisant la situation. 2 Th, nous l’avons dit, ne mentionne pas nommément l’Antichrist. Quelles que soient les raisons de cet évitement, elles ont conduit à la multiplication des appellations ainsi qu’à de riches descriptions qui participent pleinement de la puissance impressive du thème de l’Antichrist. Heidegger prend un exemple avec le terme ἀπoστασία, en référence à 2 Th 2, 3 : « Que personne ne vous séduise d’aucune manière. Il faut que vienne d’abord l’apostasie <ἀπoστασία> et que se révèle l’Homme de l’impiété, le fils de la perdition » (GA60, 155). Qu’est-ce que l’apostasie ? L’apostasie n’est pas l’Antichrist, pas plus qu’elle n’est identifiable à l’Homme de l’impiété ou au fils de la perdition en tant que tels. Il est pourtant dit d’elle qu’elle vient d’abord, que sa venue est la première, qu’elle est un préalable, suggérant qu’elle possède une importance particulière dans le dispositif eschatologique paulinien. Le philosophe examine surtout ce que sa venue (das Kommen dieser) signifie pour celui qui en est témoin (GA60, 155). La venue préalable de l’ἀπoστασία fait office d’en garde. Le témoin va essuyer de nouveaux troubles. Il doit donc être prêt à persister dans la foi, à lutter plus durement encore pour la perdurance de ce qui a été institué en lui et consolidé grâce à sa résolution.

La venue de l’ἀπoστασία qui, dans l’ordre du discours, inaugure celle de l’Antichrist, s’impose donc à la situation par l’effort de reconnaissance (Erkennung) qu’elle exige d’emblée de la part de celui qui y est confronté et qui, y étant confronté, se résout à demeurer authentique (GA60, 155). Cet effort n’est pas d’ordre intellectuel mais spirituel. Il fait en outre intervenir le comprendre. Triompher de cette épreuve demande de considérer les choses avec les yeux de la foi. Il n’est pas d’autre façon de mettre l’apostasie en échec, elle qui menace de frapper le croyant d’une cécité définitive, c’est-à-dire de le priver de toute possibilité de se comprendre encore soi-même à la lumière de la proclamation.

Ce cas soulève néanmoins une interrogation : qu’est-ce que reconnait concrètement le croyant lors de la venue de l’ἀπoστασία ? Heidegger la reformule en termes de Wie et non de Was. Ce qui n’est pas tant une façon de se répéter que d’affirmer ici que le plus haut rescrit d’un Wie est inévitablement un « comme » (Als) qui ouvre une voie herméneutique. Si la question commence par Was, la réponse contiendra forcément un « quelque chose » (Etwas). Si elle commence par Wie, la réponse pourra être introduite par un Als. Qu’est-ce que c’est ? C’est ceci ou cela. Comment cela se présente-t-il ? Comme ceci ou cela. Analysée dans la perspective du « comme herméneutique » (hermeneutische Als), la question de l’ἀπoστασία reçoit de la part de Heidegger la réponse suivante : elle ne sera « pas » reconnue « comme signe mondain » (GA60, 155). Qu’est-ce à dire ? D’abord que le philosophe dénonce les interprétations historico-objectives d’ἀπoστασία, d’après lesquelles son motif résiderait dans la défection des juifs en 167 avant notre ère suite aux persécutions d’Antiochus Épiphane, qui auraient progressivement conduit l’impiété et l’immoralité à leur paroxysmeFootnote 236. Heidegger ne nie que Paul ait peut-être cela en tête. Mais il suggère qu’à l’instant même où il dit ou écrit ἀπoστασία, l’Apôtre en propose une explicitation résultant d’une expérience qui n’est plus celle d’un juif de la période intertestamentaire mais bien la sienne propre, en l’occurrence celle d’un être-devenu chrétien. Le terme requiert donc d’être lu à la lumière d’un comme herméneutique, expérientiel – un comment –, et non d’un comme apophantique ou propositionnel. Ici, notre penseur s’inspire peut-être de Bornemann lorsque celui-ci montre que l’ἀπoστασία paulinienne n’est pas une (nouvelle) « révolution politique » mais la « chute religieuse » de qui s’éloigne (ἀφίσταναι) de Dieu et donc de lui-mêmeFootnote 237. Ainsi comprise, l’ἀπoστασία n’a effectivement rien d’un signe mondain, c’est-à-dire d’un signe rencontré dans le monde ici compris comme le lieu de l’histoire objective. Elle se donne au contraire comme un signe pré-mondain qui réside dans le soi, lieu de l’histoire que je suis moi-même. Cette interprétation de l’ἀπoστασία comme chute personnelle est une originalité de Paul. Certes, il y a Dt 32, 15 : « Et il a abandonné Dieu, son créateur. Il a délaissé, méprisé ou déshonoré <ἀπέστη> le rocher de son salut ». Mais l’Apôtre dit plus. Il ne parle pas seulement du devenir d’Israël mais de celui de chaque individu singulier dans sa destinée universelleFootnote 238. Ainsi, l’ἀπoστασία n’est pas (seulement) un délaisser, un mépriser, un déshonorer, mais un s’éloigner au sens de l’instauration plus ou moins consciente d’une distance entre soi et Dieu – et donc entre soi et soi. Il est à peine besoin de dire que cette distance fausse la vision du monde de celui qui endosse l’apostasie.

Heidegger semble ici plus proche du sens proprement paulinien que nombre de Pères et d’exégètes modernes aux yeux desquels l’ἀπoστασία ne serait qu’un abstractum pro concreto : l’apostasie de l’Antichrist, son œuvre et rien que celaFootnote 239. Le danger d’une telle lecture est aisément perceptible : l’apostasie est externalisée, rejetée dans le monde alors même que la seule façon de la rendre intelligible et de s’y opposer efficacement est d’en retrouver le lien au soi.

Plutôt que de confondre l’apostasie avec l’Antichrist, prenons acte du fait que Paul s’en est gardé. Gageons que si tel est le cas, c’est que son expérience lui a dicté de conserver cette distinction. Soumettons plutôt avec Heidegger l’Antichrist aux mêmes principes de lecture que l’apostasie. Interrogeons son sens pour le croyant : « Antichrist : [l’]opposition à Dieu signifie en tant que signe de la fin des temps !? » (GA60, 155). Avec l’assimilation de l’Antichrist à une « opposition à Dieu » (Gottwidrigkeit), le philosophe recentre le débat sur le plan historico-accomplissant de l’expérience croyante. Cessons de spéculer à propos de l’existence et de l’identité factuelles d’un quelque chose. En raisonnant de la sorte, nous risquons de compliquer la possibilité de s’approprier ce phénomène alors même qu’il s’insère dans un discours qui nous concerne personnellement. En faisant encore de l’Antichrist un signe, Heidegger invite à interpréter son sens référentiel. En tant que signe, l’Antichrist fait signe vers quelque chose qui n’est pas lui. Mais vers quoi donc ? Lorsque Heidegger le définit comme « opposition à Dieu », il nous semble autoriser au moins deux lectures du phénomène.

1) La première est d’inspiration luthérienne. Elle consiste à relier l’Antichrist à la corruption et au péché afin d’éviter toute mauvaise réification. Le péché étant un « concept d’existence » et même une « manière d’être de l’homme » (PSL, 31), il est évident qu’on ne saurait percer le secret de l’Antichrist sans se référer à soi. Mais là réside tout le problème : l’Antichrist en tant que corruptio et peccatum tend à nous éloigner de nous-mêmes. Il fait de l’être un « être-éloigné de Dieu » (Abgekehrtsein von Gott) et le pousse dans une direction contraire : fuga (Dei), odium, desperatio, impoenitentia (PSL, 31 ; LWA 42, 128). L’Antichrist ressortirait ainsi à l’aversio Dei et l’aversio Dei renverrait elle-même au fait de se détourner de Dieu (Abkehr von Gott) (PSL, 31). Cette situation de « chute » (Fall) interdit-t-elle toute possibilité de retour (Umkehr) à soi (PSL, 29, 31) ? Pas nécessairement. Répétons que c’est parfois au plus loin de soi qu’on peut espérer se trouver ou se retrouver soi-même. Heidegger invite à raisonner ainsi : « Et pourtant la situation de l’homme s’éloignant de Dieu est une relation à Dieu » (PSL, 32) ! Il l’affirmait déjà un an auparavant (1923) en discutant du status corruptionis à partir du commentaire luthérien d’Ésaïe : il est certes « un certain rapport négatif à Dieu, opposé à Dieu », mais « ce rapport-là est constitutif comme tel ! » (GA63, 27). Ici même, Dieu se sert de son œuvre étrangère pour faire accéder le croyant à son œuvre propre. L’Antichrist est en définitive un jalon sur la voie menant à Christ.

2) La seconde lecture est aussi d’inspiration luthérienne, mais elle s’avère à la fois plus formelle et plus herméneutique. S’enracinant toujours dans l’interprétation de l’opposition à Dieu comme corruptio et peccatum, elle consiste à explorer la voie de la privatio. La Gottwidrigkeit ne serait pas seulement privatio obedientiae, ablatio virtutis et fortitudinis, absentia de la justitia originalis, voire même privatio de l’esse gratia (PSL, 28–29). Elle se présenterait plus essentiellement comme privation de la capacitas mentis en vertu de laquelle le croyant est à même de comprendre ce qui lui advient et de s’en imprégner. Il n’en résulterait pas une impasse, mais la nécessité de redoubler d’efforts pour recouvrir cette capacité, se remettre à l’écoute de la parole de Dieu en scrutant le discours paulinien. La compréhension de l’Antichrist en tant qu’opposition à Dieu signifiant la fin des temps nécessiterait par ailleurs la réactivation de cette qualité d’« écoute » (audire) dans laquelle Luther situait le « rapport fondamental de l’homme à Dieu » (PSL, 32)Footnote 240. Cette écoute est capitale. Elle est condition de la foi qui permet de gagner ou de regagner la capacité d’accéder au sensus spiritualis du discours paulinien (LWA 56, 334). Car si l’on en croit le Réformateur, « l’Apôtre parle pour signifier » (LWA 56, 334). En parlant de l’Antichrist, il signifie donc l’opposition à Dieu à même de redevenir position à condition de s’appuyer sur la foi. Un retour à l’être est possible si tant est qu’on substitue, grâce à la fides, de la luciditas (clarté, splendeur, lumière) à l’error ou erroris (illusion, méprise, faute) qui caractérise l’opposition à Dieu. L’Antichrist signifie donc une non-compréhension qui débouche sur une opposition à Dieu. L’éloignement qu’implique cette non-compréhension recèle toutefois l’idée d’une mobilité abritant elle-même la possibilité d’un retour. Voyant cette non-compréhension se lever, l’individu doit saisir qu’il est temps de s’en retourner à Dieu, de revenir à Christ. C’est en lui seul qu’il peut comprendre authentiquement ce qu’il vit. Si l’incompréhension se répand, c’est que la situation se contracte, et si la situation se contracte, c’est que la fin des temps est proche.

Puisque le terme « Antichrist » n’apparaît pas comme tel en 2 Th, Heidegger interroge l’ἄνoμoς, c’est-à-dire « l’Impie » dont il est fait mention en 2 Th 2, 8 : « Et alors se révélera l’Impie <ἄνoμoς>, que le Seigneur Jésus détruira du souffle de sa bouche » (GA60, 155). Notons qu’il y est déjà fait référence auparavant dans le v. 3b : « Il faut que vienne d’abord l’apostasie et que se révèle l’Homme de l’impiété <ἄνθρωπoς τῆς ἀνoμίας> » ; également, de manière indirecte, dans le v. 7 : « Car le mystère de l’impiété <ἀνoμίας> est déjà à l’œuvre ». S’il cite le vocable du v. 8, c’est bien le v. 3b que commente Heidegger étant donné qu’il assimile l’ἄνoμoς au « fils de la perdition » (Sohn des Verderbens), c’est-à-dire à l’υἱoς τῆς ἀπωλείας (GA60, 155). Que dire de ce dernier sans aborder le v. 8, dont le philosophe réserve l’examen pour une réflexion suivante ?

Heidegger écrit à côté d’ἄνoμoς : « Nicht Jude » (GA60, 155). Est-ce à dire que l’ἄνoμoς ne sera pas juif, autrement dit qu’il ne sera pas un juif, ou bien que le terme même d’ἄνoμoς signifie ce qui est non-juif ? Peut-être n’est-il pas nécessaire d’exclure l’une des deux hypothèses. La seconde est philologiquement fondée : dans l’AT comme dans le NT, ἀνoμία est un « concept global qui […] recouvre une existence marquée par le refus pratique de la loi divine »Footnote 241. La première rejoint la seconde en même temps qu’elle l’approfondit. Selon 1 Co 9, 21, l’ἄνoμoς est le « sans loi », ce que n’est pas le juif. Relevons cependant que, dans le même passage, Paul ne se présente plus comme juif, ou plutôt comme soumis à la loi juive, mais comme être-devenu-chrétien, c’est-à-dire « sous la loi du Christ » (ἔννoμoς Xριστoῦ). 1 Co 9, 21 enseigne donc que l’ἄνoμoς de 2 Th 2, 3.7.8 incarne l’être-hors-la-loi du Christ, voire même l’être-contre la loi du Christ, en sorte que, Bornemann le dit bien, l’ἄνoμoς ne peut-être qu’un Widerchrist, c’est-à-dire un AntichristFootnote 242.

Pour Heidegger, l’ἄνoμoς (Antichrist) ne serait donc ni un pseudo-Messie juifFootnote 243, ni Satan en propre puisque, selon 2 Th 2, 9, il se manifestera par « l’activité de Satan ». Il n’est pas non plus une figure historique étrangère à l’époque apostolique (le Pape, Muhammad, etc.). Pourrait-il s’agir d’une figure historique contemporaine de l’Apôtre, plus exactement d’un personnage politique païen ? Caligula (Grotius, Spitta, Zahn) ? Néron ou le Nero redivivus selon Ap 13, 3.12 (Kern, I. v. Döllinger, P. W. Schmiedel) ? Cela pourrait fonctionner puisqu’ils répondent à la caractéristique de ne pas être juif. Mais cette possibilité a déjà été disqualifiée en tant qu’elle débouche sur une objectivation injustifiable de l’Antichrist. Reste une possibilité : que l’ἄνoμoς soit une « Idée » ou une « généralité »Footnote 244 : impiété selon Koppe, K. Beyer et G. C. Storr, athéisme selon Nitzsch, contre-puissance au Royaume de Dieu selon Pelt. Cette solution a l’avantage d’éviter l’objectivation indue, mais l’inconvénient de favoriser les spéculations inutiles. Pour Heidegger, il est exclu que Paul ait exprimé des idées ou des généralités. Son discours est bien trop empreint d’expérience pour donner dans l’abstrait. Au contraire, l’ἄνoμoς doit être aussi concret que le vécu que l’Apôtre en a.

Mais où trouver une concrétion résistant aux assauts de l’objectivation ? Comment s’empêcher d’identifier clairement et distinctement l’« homme » dans l’expression ἄνθρωπoς τῆς ἀνoμίας ? Sans doute convient-il d’étudier comment Paul se reprend en parlant d’υἱoς τῆς ἀπωλείας. La tâche sera compliquée par le fait que cette expression est ailleurs appliquée à Judas (Jn 17, 12). Aussi le philosophe préfère-t-il insister sur la façon dont l’ἄνoμoς « s’abat sur les désorientés » (GA60, 155). A contrario, les bien-guidés seront intouchables, du moins imperméables à son action. Paul indique en fait que l’absence de foi – le manque de compréhension, le « vide » (Leere) (GA61, 131) – fragilise. Il pousse à l’égarement ainsi qu’à la chute. N’est-il pas révélateur qu’ἀπωλεία signifie la « ruine » et fasse donc écho à ruina, Sturz, Ruinanz (GA60, 234–240) ?

Cela dit, pour ne pas se laisser séduire et rester dans le droit chemin, ne doit-on pas savoir ce que c’est que d’être séduit et de s’égarer ? Autrement dit, ne doit-on pas effectivement se laisser séduire et s’égarer afin d’être en mesure de comprendre ce dont on doit se détourner ? Il y a ici l’idée que le mouvement par lequel on s’éloigne de soi-même et chute est indubitable, voire inarrêtable. Il n’est pas naturel (Aristote) mais correspond au « “destin final de ceux qui ont entrepris de s’opposer à Dieu” » (GA60, 155). Il était écrit que certains s’opposeraient à Dieu. Il l’était également que viendrait un moment où ils devraient choisir leur camp. La révélation de l’Homme de l’Impiété, le Fils de la perdition, serait donc le « signe “décisif” du temps » mentionné par Heidegger (GA60, 155). Il évoquerait la « défection préfinale » en même temps que son Aufhebung puisqu’aussitôt instauré, l’Impie serait voué à la destruction par le souffle de Jésus et à l’anéantissement par l’éclat de sa venue (2 Th 2, 8) (GA60, 155). Le croyant ne risquerait donc de se perdre que pour se retrouver selon la logique bien connue de Mt 16, 25 // Mt 10, 39 // Mc 8, 35 // Lc 17, 33 // Jn 12, 25. Ce n’est pas accorder plus de mérite à ceux qui succombent à la tentation, voire à ceux qui la provoquent. C’est plutôt reconnaître que le risque de la tentation et de la perdition est inhérent à la vie chrétienne.

Ainsi, Paul explique qu’il est normal de se perdre jusqu’à un certain point. On reste sauvé, en possibilité de se sauver et d’être sauvé si, au moment qu’indiquent certains signes dont la venue de l’Antichrist fait partie, on saisit l’occasion de se retrouver, on décide de revenir au plus près de soi après avoir côtoyé le néant. Ce processus est accentué par les deux verbes qui, en 2 Th 2, 3, introduisent l’action de l’Homme de l’impiété-Fils de la perdition : « ἀντικεῖσθαι » et « ὑπεραίρεσθαι » (GA60, 155). Paul utilise des participes, c’est Heidegger qui part de l’infinitif (GA60, 155). Il se propose de traduire le premier par : sich setzen wider, se rebeller ou se dresser contre ; et le second par : sich erheben wider, se soulever ou s’élever contre (GA60, 155). Rappelons que le v. 3 dit comment l’Antichrist « se dresse et s’élève contre tout ce qu’on appelle dieu ou qu’on adore ». Il est à noter que 2 Th 2, 3 est le seul endroit du corpus paulinum (cp. 1 Co 16, 9 ; Ga 5, 17) où ἀντικεῖσθαι a le sens de s’opposer à Dieu. Quant à ύπεραίρεσθαι, il provient manifestement de Dn 11, 36. Il ne signifie cependant pas tant s’élever au-dessus de Dieu que contre lui. Si les deux verbes ne sauraient être confondus, ils ont incontestablement la même direction de sens : c’est celle de « l’opposition à la divinité, décisive dans tous les concepts » (GA60, 155). Tout l’enjeu du v. 3 est de faire parler les signes d’opposition, de cerner en quoi consiste l’oppositionnalité elle-même en tant qu’Existenzial. La démarche est phénoménologique : on ne cherche pas à savoir qui s’oppose dans l’histoire objective, mais qu’est-ce que s’opposer signifie pour et dans la conscience de celui qui s’oppose. Puisqu’il est impossible de connaître avec certitude le référent de Paul, force est d’admettre que son propos vise à indiquer formellement et non matériellement. L’essentiel n’est pas de savoir si l’Antichrist est un quelconque tyran ou bien un pseudo-prophète, mais de saisir comment il crée l’événement à la place du Christ. La manière dont Heidegger interprète 2 Th 2, 4b s’inscrit dans cette ligne : « S’installer dans le Temple est le signe décisif de l’incroyance dirigée contre la divinité » (GA60, 155). Le philosophe ne prétexte pas la mention du Temple ou Dn 9, 27 pour appuyer la thèse d’un pseudo-Messie juif. Il se contente de scruter le mouvement décrit par Paul : « au point de s’asseoir en personne dans le temple de Dieu et de proclamer qu’il est Dieu » (GA60, 166). Ici, pas d’« idée mythologique » ou d’« incarnation d’une contradiction éthique et religieuse »Footnote 245. L’Antichrist ne se contente pas de contrarier le Christ ; il veut être lui. Pensons à la thèse 17 de la Disputatio de 1517 : « L’homme ne peut pas vouloir naturellement que Dieu soit Dieu ; bien au contraire, il veut être lui-même Dieu et que Dieu ne soit pas Dieu » (LWA 1, 225). Heidegger commentera en 1924 : « Mais c’est justement là la nature du péché » (PSL, 29).

Cette comparaison achève de nous convaincre que l’Antichrist de Paul n’est pas une personne particulière mais tout homme en tant qu’il fait nécessairement l’expérience du péché. Pourquoi le péché ? Parce qu’« on ne peut comprendre la foi que si on comprend le péché » (PSL, 32–33). Ceci dit, n’oublions pas qu’« on ne peut comprendre le péché que si on a une compréhension exacte de l’être de l’homme lui-même » (PSL, 33). Paul parle certes de Dieu à travers l’homme, mais plus encore : il parle de l’homme à travers Dieu à l’aune de la « nécessité du devenir-homme de Dieu » (PSL, 29).

V. Synthèse et compléments (Ad §§ 28–29)

[156] Très courte, la dernière annexe reformule les résultats obtenus à partir des recherches menées à propos de la proclamation de l’Antichrist et du Retenant. Dans la brève Épître qu’est 2 Th, Heidegger repère les versets-clés que sont selon lui 2, 2 : « n’allez pas facilement perdre la tête ni vous effrayer à cause d’une révélation prophétique, d’un propos ou d’une lettre présentés comme venant de nous, et qui vous feraient croire que le jour du Seigneur est arrivé » ; 2, 5 : « Ne vous rappelez-vous pas que je vous parlais de cela quand j’étais encore près de vous ? » ; et 2, 6 : « Et maintenant, vous savez ce qui le retient, pour qu’il ne soit révélé qu’en son temps » (GA60, 156). Le premier en appelle au discernement : ne pas s’endormir, ne pas céder aux sirènes de la facilité, ne pas manquer de lucidité devant la difficulté. Le second en appelle à la mémoire d’une expérience : comme tout part de l’être-devenu-chrétien, tout doit y revenir, car c’est à cette occasion que le monde propre s’est renouvelé de son ouverture au monde ambiant transformé par Paul et de sa connexion au monde commun de la proto-communauté. Le troisième en appelle à la décision : le péché met les hommes à l’épreuve et, ce faisant, les force à reconnaître qu’ils ne pourront être sauvés sans faire le premier pas, c’est-à-dire sans se résoudre à faire l’expérience intégrale de la foi dont l’essence est d’assumer la détresse dans laquelle les plonge l’expérience de la temporalité comme telle. D’après Heidegger, les trois versets (2 Th 2.5.6) pris ensemble distillent le message suivant :

« Vous vous souvenez du savoir de la foi, donc vous savez aussi maintenant et vous devez savoir τὸ κατέχoν, ce qui le retient en le soumettant » (Ihr errinert Euch des Wissens des Glaubens, so wisst <Ihr> auch jetzt und müsst Ihr wissen τò κατέχoν, das niederzwingende Haltende) (GA60, 156).

Peu orthodoxe et même assez énigmatique, cette retraduction laisse néanmoins apparaître trois éléments qui, pour ainsi dire, rhématisent les thèmes précités. Le discernement permet le savoir de la foi qui est à la pointe de l’expérience facticielle proto-chrétienne des réalités mondaines propres, communes et ambiantes. Le croyant est certes désemparé, c’est-à-dire livré à sa propre vie, mais il n’est pas désarmé pour autant. Dans son isolement, il vit avec un don qu’il doit se remémorer continuellement afin de soutenir sa lutte contre l’adversité. Comment toutefois s’en souvenir lorsque l’appel ou le rappel deviennent quasiment inaudibles, recouverts par le bruit de puissances maléfiques ? Une seule solution : faire retour à soi, trouver refuge en soi-même. Aussi Heidegger insiste-t-il sur le « Ihr » : vous vous souvenez, vous savez, vous devez, vous pouvez, etc. (GA60, 156). Comprenons bien le message : il n’est pas demandé de se recroqueviller mais de s’enfoncer dans l’ouvert, d’aller au-devant de la difficulté au lieu de se laisser consumé par elle. C’est ainsi que l’Apôtre ne cesse d’appeler, non pas directement à l’action, mais à la décision. Elle parachève tout ce qui est accompli ou en voie d’accomplissement. Il est impératif de faire du savoir de la foi et de l’exploration de soi qu’il accompagne une nécessité absolue. Pourquoi ? Parce que la vie en dépend, littéralement.

Les trois segments passés en revue sont liés par un petit mot qui pourrait presque passer inaperçu, en l’occurrence jetzt. Tout cela doit se faire maintenant, car le temps n’attend pas. Répétons qu’en 2 Th 2, 2, Paul ne décourage pas les croyants de se placer dans le maintenant. Au contraire, il les pousse à s’y insérer en les mettant en garde contre la facilité (ταχέως) avec laquelle ils se projettent dans l’avenir sans avoir préalablement pris racine dans le présent. Sans un tel ancrage, la vulnérabilité face à l’Antichrist est décuplée. Dit autrement, le péché ne menace plus seulement de mettre la vie à l’épreuve mais de la mettre en péril. Pour l’illustrer, Heidegger recourt encore à 2 Th 2, 9 : « Quant à la venue de l’Impie, marquée par l’activité de Satan, elle se manifestera par toutes sortes d’œuvres puissantes, de miracles, de prodiges trompeurs » (GA60, 156). Ce que Paul décrit ici, c’est la « παρoυσία des désorientés » (GA60, 156). Comme nous l’avons vu, le terme de parousie, à l’origine, est non-technique et signifie « présence ». Il en résulte : a) que seul un prédicat distingue une παρoυσία de l’autre, et b) qu’une présence n’est authentique qu’en vertu de la disposition de celui en et pour qui elle est présence.

Au terme de ce parcours, le sens de la proclamation paulinienne de l’Antichrist est plus clair qu’il ne l’a jamais été : « Donc l’Antichrist doit venir d’abord, temps de l’épreuve, de la plus extrême détresse et de la décision la plus délicate, du plus strict ou bien-ou bien » (GA60, 156). À travers la proclamation de l’Antichrist, les hommes sont appelés à se décider. Cet appel est parmi les derniers. Il temporalise autant qu’il individualise, et ce de manière plus aigüe que les appels précédents.

L’appel appelle à endosser le temps, à le faire, à le porter, à l’avoir, à l’être, à l’avoir dans l’être. L’occasion est à saisir. Rien n’illustre mieux cette situation que l’Entweder-Oder (GA60, 156). Avec Kierkegaard, redisons qu’est exigé de l’homme le « saut décisif » de la foi à partir duquel l’être se révèle en toute vérité devant celui qui revient le juger et, il faut l’espérer, le sauver. Naturellement, le genre d’effort exigé a un prix. Si l’on n’en souffre pas dans son être même, c’est qu’on s’est laissé abuser par une épreuve qui n’en est pas une :

« Ce n’est pas aussi simple et aisé que les bavards se l’imaginent. Ne pas se laisser abuser par ces derniers, c’est-à-dire ne pas se laisser entraîner dans une fausse attitude fondamentale envers la parousie, ne pas laisser l’attendre dans l’endurance se troubler, ne pas se laisser chuter. Il est plutôt question d’une détresse suprême, et le plus important n’est pas d’y noter le quand objectif, mais d’y tenir bon, de ne pas chanceler, de se soucier ainsi des signes du temps, et non d’oublier l’essentiel en observant ce qui se produit et en spéculant épistémologiquement à ce propos » (GA60, 156).

C’est en quelque sorte une double attention qui est demandée : à l’inauthentique qui est et qui passera, à l’authentique qui est et qui vientFootnote 246. La meilleure façon de remplir cette tâche est de ne jamais relâcher la tension qui s’est instaurée depuis la conversion. Étant donné que la paix et la sécurité ne sont pas de ce monde, rien ne peut justifier qu’on s’y laisse aller. La seule et unique boussole est la détresse. La question n’est donc pas : quand va cesser la détresse ? mais : comment la supporter tant qu’elle dure ? La réponse réside à même la question : on ne supporte qu’en supportant, qu’en affrontant, qu’en déchiffrant les signes dans cet état d’attente endurante et certainement pas en rationalisant de force ce qui s’y refuse. Au final, l’interprétation heideggérienne de 2 Th 2 – en particulier des versets où intervient le κατέχoν – se rapproche beaucoup de la troisième lecture proposée par Augustin dans le De civitate Dei (XX, 19) : « hortari autem apostolum fideles, ut in fide quam tenent tenaciter persuerent »Footnote 247.

L’annexe s’achève avec une note expéditive et quelque peu énigmatique à propos de la notion de « Ψυχή » (GA60, 156). Le premier indice livré est une partie de Ph 1, 27 que nous donnons ici dans son entier : « Seulement, menez une vie digne de l’Évangile du Christ, afin que, si je viens vous voir, ou si, absent, j’entends parler de vous, j’apprenne que vous tenez ferme dans un même esprit, luttant ensemble d’un même cœur selon la foi de l’Évangile ». Sans surprise, c’est la fin du verset qui retient l’attention de Heidegger : « […] μιᾷ ψυχῇ συναθλoῦντες τῇ πίστει τoῦ εὐαγγελίoυ » (GA60, 156).

Doit-traduire ψυχή ? Heidegger ne prend pas ce risque. Il est trop conscient que lorsque le terme apparaît dans la littérature proto-chrétienne, il porte déjà une lourde histoire. Il n’en demeure pas moins averti que le sens néotestamentaire de ψυχή transcende souvent celui qui est le sien dans le vocabulaire grec classique et philosophique. Commençons par deux exemples choisis en dehors de Paul. En Ac 20, 10.24 et 27, 10.22, ψυχή n’est pas simple anima mais principe individualisant synonyme de vie. Idem dans les synoptiques (Mc 8, 35 // Mt 10, 39 // Lc 17, 33), où ψυχή est la vie propre opposée à la vie physique. La même direction de sens se retrouve dans les Épîtres pauliniennes. Citons entre autres exemples 1 Th 2, 8 : « Nous avions pour vous une telle affection que nous étions prêts à vous donner non seulement l’Évangile, mais même notre propre vie <ψυχάς> ». Ce que Paul se dit prêt à abandonner n’est pas seulement sa vie physique mais ce qui en constitue le soubassement et en fait toute la valeur, à savoir son être-là dans le temps et l’affectivité qui le caractérise fondamentalement.

Notons encore qu’en de nombreux endroits comme Rm 16, 4 ; 2 Co 1, 23 ; 2 Co 12, 15 et, précisément, Ph 1, 27, la notion de ψυχή recoupe celle de πνεῦμα. Elle en autorise d’ailleurs une modification déterminante en ce qu’elle marque la greffe d’une dimension coopérative sur la dimension opérative de cette notion. À travers elle s’opère l’appropriation et l’individuation du souffle qui traverse l’individu. Qu’est-ce à dire ? Que le πνεῦμα n’accomplit son œuvre jusqu’au bout qu’en s’accrochant dans une ψυχή. Il loge en elle, infuse en elle, jusqu’à faire naître une existence, cette entité qui porte la mobilité de la vie et l’accomplit concrètement. L’alliance de ces deux éléments se décline précisément en Ph 1, 27. Paul lance un appel à tenir bon dans un seul esprit – ἐν ἑνὶ πνεύματι – et à lutter ensemble d’une seule âme – μιᾷ ψυχῇ. Articulés, πνεῦμα et ψυχή ne sont pourtant jamais confondus. Il est hors de question de mélanger ce qui relève de l’existence divine avec ce qui a trait à l’existence humaine et à elle seule. Le croyant demeure quelqu’un devant Dieu. L’ipséité : tel est le centre de commandement de la vie religieuse que la ψυχή permet de localiser. Cela se vérifie justement en Ph 1, 27. L’occurrence indique que cette ipséité n’est pas donnée mais conquise de haute lutte. Elle signale encore que c’est à travers une certaine communion des soi que cette ipséité devient en mesure de se définir. C’est parce que chaque soi fait pareillement l’épreuve de soi que l’Apôtre se sent autorisé à parler d’une μιᾷ ψυχῇ et qu’il envisage la possibilité d’une lutte commune en vue de préserver le don crucial de la foi jusqu’au retour du Christ.

Pour finir, venons-en à la remarque laconique accolée à la mention de Ph 1, 27 : « la position existentielle fondamentale des juifs selon Paul » (GA60, 156). Cette remarque se rattache-t-elle directement à Ph 1, 27 ? Difficile à dire. Si tel est le cas, il est possible d’y voir une allusion à la controverse propre à l’Épître. Paul invite ses lecteurs-auditeurs à combattre μιᾷ ψυχῇ avant d’ajouter (Ph 1, 28) qu’ils ne doivent en aucun cas se laisser intimider par leurs « adversaires » (ἀντικειμένων). Ces derniers ne sont pas les juifs en général mais, très probablement, des prédicateurs itinérants judéo-chrétiens ou bien des juifs hellénisés s’estimant former une élite. Les chrétiens qui μιᾷ ψυχῇ συναθλoῦντες τῇ πίστει τoῦ εὐαγγελίoυ seraient alors les vrais juifs, dont la position existentielle fondamentale consisterait à tenir ferme après avoir trouvé le Christ. Le montre la polémique engagée en Ph 3, 2.3–5.7-8 :

« […] Prenez garde aux faux circoncis ! Car les circoncis, c’est nous, qui rendons notre culte par l’Esprit de Dieu, qui plaçons notre gloire en Jésus Christ, qui ne nous confions pas en nous-mêmes. Pourtant, j’ai des raisons d’avoir aussi confiance en moi-même. Si un autre croit pouvoir se confier en lui-même, je le peux davantage, moi, circoncis le huitième jour, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu fils d’Hébreux […] Or toutes ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai considérées comme une perte à cause du Christ. Mais oui, je considère que tout est perte en regard de ce bien suprême qu’est la connaissance de Jésus Christ mon Seigneur ».

Ici, le vrai juif semble être celui qui abandonne sa judéité au profit de la christianité réformant son être tout entier. Le juif christianisé a dépassé la dimension charnelle (circoncision) pour atteindre la dimension proprement spirituelle, englobante et unitaire (μιᾷ ψυχῇ) de la religiosité. Souvenons-nous que la « véritable circoncision consiste non pas dans un signe superficiel mais dans un changement profond d’attitude »Footnote 248. Rm 2, 28–29a nous en convainc : « En effet, ce n’est pas la circoncision qui se voit qui fait le Juif, ni la marque visible dans la chair qui fait la circoncision, mais c’est ce qui est caché qui fait le Juif, et la circoncision est celle du cœur, celle qui relève de l’Esprit et non de la lettre ». Est-ce un hasard si, après avoir évoqué la position existentielle fondamentale des juifs en lien à Ph 1, 27, Heidegger mentionne celle des païens en renvoyant à Rm 1 (GA60, 156) ? Le philosophe a sans doute cette parole à l’esprit : « Par Jésus Christ notre Seigneur nous avons reçu la grâce d’être apôtre pour conduire à l’obéissance de la foi, à la gloire de son nom, tous les peuples païens, dont vous êtes, vous aussi que Jésus Christ a appelés » (Rm 1, 5).

La position existentielle fondamentale des païens est-elle identique à celle des juifs ? Elle est amenée à l’être dès lors que païens et juifs sont investis de la même croyance en Jésus Christ. Tous peuvent être affectés par la proclamation paulinienne de la même manière. En témoignent Rm 1, 14–17 : « Je me dois aux Grecs comme aux barbares, aux gens cultivés comme aux ignorants ; de là mon désir de vous annoncer l’Évangile, à vous aussi qui êtes à Rome. Car je n’ai pas honte de l’Évangile : il est puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif d’abord, puis du Grec. C’est en lui en effet que la justice de Dieu est révélée, par la foi et pour la foi […] ». Il est frappant de voir à quel point Paul se place au centre de la situation et prend la responsabilité de renforcer encore et toujours la μιᾷ ψυχῇ qui forme le lieu de l’attente endurante de la parousie. L’Apôtre se présente comme une matrice : par sa proclamation, il génère l’accomplissement de la religiosité chrétienne et diffuse le savoir vécu qui s’y rattache. À la croisée des différents chemins empruntés, nous retrouvons la notion d’Évangile : elle est le point de ralliement des multiples voies de la proclamation paulinienne. Le dernier chapitre nous invite à plonger au cœur de cette notion et du monde qu’elle recouvre. La phénoménologie herméneutique est-elle en mesure de dire quelque chose d’essentiel à son sujet ? C’est ce que nous allons voir immédiatement.

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Camilleri, S. (2017). 2 THESSALONICIENS : EXPLICATION PHÉNOMÉNOLOGIQUE. In: Heidegger et les grandes lignes dʼune phénoménologie herméneutique du christianisme primitif. Phaenomenologica, vol 221. Springer, Cham. https://doi.org/10.1007/978-3-319-45198-5_8

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