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Part of the book series: Phaenomenologica ((PHAE,volume 221))

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Abstract

[3] Il y a une indéniable « particularité des concepts philosophiques » (GA60, 3), et c’est d’elle que l’analyse doit partir, car c’est elle qui fait son unicité. « Dans les sciences positives, les concepts sont déterminés par leur intégration ordonnée dans un ensemble objectif ou matériel, et plus cet ensemble est défini, mieux les concepts sont connus. Les concepts philosophiques sont en revanche oscillants, vagues, multiples et fluctuants, comme cela se vérifie dans la variation des points de vue philosophiques » (GA60, 3). On trouve dans cette description une première raison de prendre le parti de la philosophie plutôt que celui de la science, ou plutôt d’une autre science. La philosophie n’est pas cloisonnée mais ouverte sur tout, attachée à rien d’autre qu’elle-même et donc libre. Cette liberté se paie : elle se voit souvent reprocher d’être imprécise, confuse, nébuleuse. Mais la philosophie n’abandonnerait son nomadisme pour rien au monde. La délimitation des concepts dont elle use est un moyen et non une fin. Elle se refuse à figer sa méthodologie comme sa terminologie, estimant que cela reviendrait à figer du même coup son objet. Or, ce qui l’intéresse, c’est de suivre cet objet dans sa mobilité fondamentale, ce qui implique de ne pas le considérer comme un banal « objet » (Objekt), non plus seulement comme un « objet » (Gegenstand), mais comme un « phénomène » (Phänomen) – quand bien sûr il se révèle en être un (GA60, 35–36). Il s’ensuit que les concepts philosophiques véhiculent une certaine « insécurité » (Unsicherheit), qu’ils sèment partout où ils sont employés (GA60, 3).

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Notes

  1. 1.

    À cet endroit (GA56/57, pp. 164–168), Heidegger évoque la distinction diltheyenne entre Natur- et Geisteswissenschaften, ainsi que la distinction windelbandienne entre Gesetzes- et Ereigniswissenschaften.

  2. 2.

    Voir à ce sujet les Anmerkungen sur la Psychologie de Jaspers de 1919–1921 (GA9, pp. 1–44). Dans la correspondance avec Rickert (HRB, p. 51–52), le livre de Jaspers est présenté comme le symbole du malaise qui envahit l’époque et qui justifie de revenir à une « philosophie scientifique ». Jaspers ne sait ni « voir » ni « interpréter » ; ce que peut donc, par opposition, la philosophie authentiquement scientifique.

  3. 3.

    E. Dufour, Les néokantiens, Paris, Vrin, 2003, p. 127, vers H. Rickert, Kulturwissenschaft und Naturwissenschaft [1899], p. 12, p. 75. Heidegger (GA56/57, pp. 166–168) renvoie à W. Windelband, « Geschichte und Naturwissenschaft », in Präludien, Bd. II, Tübingen, Mohr-Siebeck, 1914, pp. 142–145.

  4. 4.

    E. Dufour, Les néokantiens, p. 127, vers H. Rickert, Kulturwissenschaft und Naturwissenschaft [1899], p. 90.

  5. 5.

    H. Rickert, « La conscience en général », pp. 167–169.

  6. 6.

    Ibid., pp. 174–175.

  7. 7.

    En ce sens, il n’a pas totalement abandonné ses vues de 1916–1919 sur la nécessité de se positionner au plus près de la sphère religieuse ; non à la limite de l’identification ou de l’absorption, mais au seuil de la dimension herméneutique de la donation religieuse originaire (GA60, pp. 304–305, 312). Le phénoménologue ne cherche pas à bénéficier de la « donation “absolue” authentique » (GA60, p. 312) qui est celle de l’homme religieux, mais à rejoindre le comprendre co-donné dans et avec cette donation.

  8. 8.

    Nous mentionnons en note l’épineuse question de savoir si la critique heideggérienne de la notion de Weltanschauung dans son rapport à la démarche philosophique et à sa fondation, peut, en deçà de Jaspers, être assimilée à une critique de Dilthey (cf. notamment DGS II), dans la mesure où ce dernier valorise cette notion et qu’il est incontestablement l’une des sources de Jaspers. À ce propos, citons cette formule équivoque de Heidegger dans une lettre à Rickert (HRB, pp. 49–50) : « Jaspers n’est pas conscient de l’ampleur de la tâche, qui lui impose une fondation radicale de sa propre manière de voir et d’interpréter. D’un autre côté, nul ne voudra l’imiter sur beaucoup de points, et je voudrais dire que, à plusieurs égards, ce que Dilthey avait toujours imaginé s’est réalisé ». Ici, outre HJB et HRB, cf. J.-C. Gens, « La “communauté de combat” entre Heidegger et Jaspers », pp. 227–228.

  9. 9.

    Cf. H. Boeder, Seditions: Heidegger and the Limit of Modernity, trans. M. Brainard, New York, SUNY Press, 1997, p. 318 : « la logotechtonique ne fait qu’indiquer l’endroit où l’on doit chercher […] Ici, la tâche de la pensée ne peut être que celle-ci : éduquer l’oreille à ce qui est dit […] Trop longtemps prostrée, non dans un sommeil dogmatique mais dans un vacarme critique, la pensée ne comprend plus sa propre parole ». La philosophie doit dépasser son moment critique, devenu infécond. Cela passe par une destruction – que Boeder appelle Ab-arbeitung, déstructuration – de la science (philosophique) ratiocinante et un retour aux fondements même du discours philosophique, où réside sa rationalité propre et originelle.

  10. 10.

    Cf. GA58, pp. 89–90, où Heidegger retrace dans ses très grandes lignes l’histoire de cette confusion psychologisante quant au « soi » chez Démocrite, Platon, Aristote, les stoïciens, le christianisme et, dans les sciences de la nature, chez Kepler, Galilée et Newton.

  11. 11.

    Sans doute ne serait-il pas inutile de chercher en quoi Heidegger a pu être déçu par une introduction parmi les plus célèbres de son temps et de surcroît censée figurer parmi les plus significatives pour son propre projet, en l’occurrence l’Einleitung in die Geisteswissenschaften de Dilthey, probablement trop historiographique à ses yeux et d’ailleurs jamais achevée.

  12. 12.

    C’est aussi la toute dernière, puisque aucun autre cours ou écrit ne porte le même titre et ne travaille dans le même sens. Ici, on ne se contente pas d’« importer » (einführen) la recherche phénoménologique, mais on s’interroge sur les moyens de la « commencer » (einleiten) et d’y « entrer » (einleiten). Heidegger a proposé, au SS 1919, une Einführung à la phénoménologie en lien avec les Meditationes de Descartes. Ce séminaire n’est pas publié à ce jour, mais il serait intéressant de voir comment il se présente dans la mesure où Descartes se voyait comme un champion du commencement ou du recommencement de la démarche philosophique.

  13. 13.

    Les commencements de cette conception, de même que ses développements, ne sont ni datés ni détaillés. Heidegger évoque un moment donné où tout aurait basculé, mais ne donne aucune précision. C’est peut-être que ce moment ne peut être placé sur l’axe régulier du temps et de l’histoire.

  14. 14.

    Notons en passant que ces trois tendances typiques dans la considération scientifique du facticiel achèvent un mouvement de dévitalisation auquel il s’agit justement de mettre un terme. Ce mouvement, qui se distingue paradoxalement par sa capacité à pétrifier la situation, est parmi ceux qui imposent le « primat du théorétique » (GA56/57, pp. 84–83). Or, ce primat est une véritable « suprématie » : il doit être brisé et le courant remonté jusqu’au domaine originaire du pré-théorétique (GA56/57, p. 59).

  15. 15.

    T. Kisiel, Genesis, pp. 496–497. Cf. également T. Kisiel, « Edition und Übersetzung: Unterwegs von Tatsachen zu Gedanken, von Werken zu Wegen », in O. Pöggeler & D. Papenfuss (Hg.), Zur philosophischen Aktualität Heideggers, Bd. III, Frankfurt a. M., Klostermann, 1992, p. 93.

  16. 16.

    T. Kisiel, Genesis, p. 497.

  17. 17.

    Cf. A. Denker, « Fichtes Wissenschaftslehre und die philosophischen Anfänge Heideggers », Fichte-Studien, 13, 1997, pp. 35–49 ; repris comme « The Young Heidegger and Fichte », in T. Rockmore (ed.), Heidegger, German Idealism & Neo-Kantianism, New York, Humanity Books, 2000, pp. 103–122.

  18. 18.

    T. Kisiel, « Das Entstehen des Begriffsfeldes “Faktizität” im Frühwerk Heideggers », Dilthey-Jahrbuch, 4, 1986–1987, pp. 91–120.

  19. 19.

    Cf. W. Dilthey, Das Erlebnis und die Dichtung (1905) ; E. Husserl, LU I (1900) ; H. Rickert, Der Gegenstand der Erkenntnis (1892) ; P. Natorp, Sozialpädagogik (1899).

  20. 20.

    T. Kisiel, « Das Entstehen des Begriffsfeldes “Faktizität” im Frühwerk Heideggers », pp. 93–94. T. Kisiel renvoie au Hermann Cohens philosophische Leistung unter dem Gesichtpunkte des Systems (Berlin, Reuther & Reichard, 1918) de Natorp ainsi qu’à DGS I, p. 141.

  21. 21.

    Cf. l’introduction de G. Fagniez à la conférence de 1915 dans Philosophie, 103, 2009, pp. 3–11.

  22. 22.

    T. Kisiel, Genesis, p. 55.

  23. 23.

    O. Pöggeler, Der Denkweg Martin Heideggers, Pfullingen, Neske, 21983, p. 327 n.

  24. 24.

    Scientia plutôt que sophia. Cf. W. Biemel, « Die entscheidenden Phasen der Entfaltung von Husserls Philosophie », in W. Biemel, Gesammelte Schriften, Bd. I, Schriften zur Philosophie, Stuttgart, Frommann-Holzboog, 1999, p. 86. Husserl critique les « courants de sagesse » (Weisheitsstreben) en HLA, p. 331.

  25. 25.

    En marge de cette discussion, on peut également se demander si la critique heideggérienne ne sert pas à défendre Dilthey contre quelques-unes attaques de Husserl dans le Logos-Aufsatz. Notre penseur ne remet pas en cause la lutte de son maître en phénoménologie contre l’historicisme qui dégénère en relativisme historique. Il reconnaît cependant à Dilthey le mérite d’avoir effleuré ce que Husserl n’a pas même entrevu (du moins jusqu’à une certaine date fort tardive), à savoir l’historique, qui est donc le ressort implicite de la critique de l’idée de philosophie comme science rigoureuse. Nous reviendrons plus loin sur ce dialogue triangulaire, dont les néo-kantiens ne sont pas absents.

  26. 26.

    Ici, Heidegger apporte en quelque sorte une première réponse critique – et néanmoins constructive – à la question qu’il posera clairement au SS 1925 : « Dilthey et Husserl se sont-ils vraiment rencontrés en perçant chacun de leur côté leur tunnel dans le massif de la philosophie ? » (GA20, p. 30).

  27. 27.

    Cf. H. Rickert, « Geschichtsphilosophie », in W. Windelband (Hg.), Philosophie im Beginn des 20. Jahrhunderts. Festschrift für Kuno Fischer, Heidelberg, Winter, 1907 pp. 321–420.

  28. 28.

    Et il faudrait encore étudier la question de la nature « phénoménologique » d’une partie de la pensée diltheyenne. Cf. J.-C. Gens, La pensée herméneutique de Dilthey, pp. 87–136, en part. pp. 103–113. Pour ne retenir qu’un exemple plus directement lié au jeune Heidegger : lorsque Dilthey explique avec ses propres mots que de l’entrelacement entre intuition de la vie et intuition du monde émerge l’« expression de la vitalité de la vie », et que la « relation de cette expression à la vie comme telle n’est pas celle de la pensée à d’autres états spirituels, mais de la vie à la conscience de la vie, à ce qui est vécu , expérimenté, aperçu dans sa totalité, dans le lien de la vie propre au monde » (DGS VIII, p. 17), il recueille aisément l’assentiment de Heidegger. En revanche, ce dernier ne pouvait guère accepter que Dilthey caractérise par la suite ce « vivre propre », qui a certainement constitué l’un des modèles important de ce qu’il appellera la vie du soi, comme quelque chose de « téléologiquement structuré » (DGS VIII, p. 18). Cette détermination supplémentaire est précisément de celles qui visent à créer une correspondance artificielle entre Lebensphilosophie et Weltanschauungsphilosophie, ou à faire de la seconde le prolongement naturel comme logique de la première.

  29. 29.

    J. Grondin, « La solution de Dilthey au problème du relativisme historique », Revue internationale de philosophie, 57, 2003, p. 475. J. Grondin note que c’est d’ailleurs ce qui fait de Dilthey le « plus grand représentant de l’Aufklärung au sein de l’historicisme, mais peut-être aussi le dernier hégélien ». Par où sa « destruction des présuppositions de l’antinomie de la conscience historique » ne fut pas assez radicale.

  30. 30.

    Cf. H.-G. Gadamer, « Die Philosophie und ihre Geschichte », in F. Ueberweg (Hg.), Grundriss der Geschichte der Philosophie, Basel, Schwabe, 1998, p. xviii.

  31. 31.

    J. Grondin, « La solution de Dilthey au problème du relativisme historique », p. 475.

  32. 32.

    Deux remarques ici : 1) nous traduisons Lebens- und Weltanschauung par « intuition de la vie et du monde » et non par « vision du monde et de la vie » car, ici, Dilthey ne nous semble pas parler des Weltanschauungen déjà typologisées, mais de ce qu’il croit être à leur origine, c’est-à-dire une certain intuition, Anschauung ; 2) précisons que dans le présent contexte, Dilthey estime que l’« art » (Kunst), en particulier la « poésie » (Dichtung), provient lui aussi de la même source que la philosophie et la théologie.

  33. 33.

    Cf. avant tout J. Stolzenberg, Ursprung und System. Probleme der Begründung systematischer Philosophie im Werk Hermann Cohens, Paul Natorps und beim frühen Martin Heidegger, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1994 ; puis C. v. Wolzogen, « “Es gibt”. Heidegger und Natorps “praktische Philosophie” », in A. Gethmann-Siefert & O. Pöggeler (Hg.), Heidegger und die praktische Philosophie, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1988, pp. 313–337 ; T. Kisiel, Genesis, pp. 130–134 ; J. Van Buren, The Young Heidegger, part. p. 155, p. 257, pp. 307–313 ; J. Greisch, L’Arbre de vie et l’Arbre du savoir, pp. 129–131, pp. 145–149 ; A. Xolocotzi, Der Umgang als „Zugang“. Der hermeneutisch-phänomenologische „Zugang“ zum faktischen Leben in den frühen Freiburger Vorlesungen Martin Heideggers im Hinblick auf seine Absetzung von der transzendentalen Phänomenologie Edmund Husserls, Berlin, Duncker & Humblot, 2002, pp. 189–193 ; F. de Lara, Phänomenologie der Möglichkeit, pp. 164–174 ; S.-J. Arrien, « Natorp et Heidegger : une science originaire est-elle possible ? », in S. Jollivet & C. Romano (éds.), Heidegger en dialogue (1912–1930), Paris, Vrin, 2009, pp. 111–129 ; D. Zahavi, « Comment examiner la subjectivité ? À propos de la réflexion : Natorp et Heidegger », in S.-J. Arrien & S. Camilleri (éds.), Le jeune Heidegger (1909–1926), Paris, Vrin, 2011, pp. 95–118.

  34. 34.

    Dès novembre 1913, il écrit à Rickert que nombre de ses lectures – K. Marbe, Natorp, Husserl, Lipps, etc. – lui ont fait entrevoir l’importance de la « question de la psychologie en tant que science et [de] son rapport à la philosophie » (HRB, pp. 13–14). Aussi n’est-il pas étonnant qu’il en soit venu à proposer au WS 1919/1920 une série d’exercices sur l’Allgemeine Psychologie de Natorp, non publiés à ce jour. T. Kisiel (« Das Entstehen des Begriffsfeldes “Faktizität” im Frühwerk Heideggers », p. 94 n. 16 et p. 97 n. 23) dit avoir retrouvé dans le Nachlass de Heidegger un travail de F.-J. Brecht rendu à l’occasion de ces exercices. Heidegger mentionne lui-même ces exercices dans une lettre à Rickert (HRB, p. 48).

  35. 35.

    Pour Natorp, voir NAP, p. 38, 82 210–213, 221–228 et 319.

  36. 36.

    Outre la seconde partie de notre cours du WS 1920/1921, voir surtout celui du WS 1919/1920 (GA58, p. 33, 35, 37, 41–42, 56, 61, 67–68, 89, 204, 208, 261), et encore celui du SS 1920 (GA59, pp. 76–77 et p. 111).

  37. 37.

    Cf. A. Xolocotzi, Der Umgang als „Zugang“. Der hermeneutisch-phänomenologische „Zugang“ zum faktischen Leben in den frühen Freiburger Vorlesungen Martin Heideggers im Hinblick auf seine Absetzung von der transzendentalen Phänomenologie Edmund Husserls, Berlin, Duncker & Humblot, 2002.

  38. 38.

    En introduisant cette notion, Heidegger précise (GA58, p. 30) qu’elle est tellement englobante qu’on a pu la prendre pour l’exact contraire de ce qu’elle devrait signifier. Simmel l’aurait par exemple déclinée comme une expression du défaut de la vie, de l’incapacité de l’existence à se contenter de toutes les possibilités à sa disposition. Le philosophe ne cite aucun texte. Sans doute fait-il référence à G. Simmel, Schopenhauer und Nietzsche: ein Vortragszyklus, Leipzig, Duncker & Humblot, 1907, 21920, pp. 83–84. Le cas échéant, il aura vu que Simmel ne condamne cependant pas le phénomène de la Selbstgenügsamkeit mais le prend plutôt en exemple du « caractère limité de notre vie » (GA58, p. 30). Heidegger à son tour ne semble pas nier que l’autosuffisance marque une limite de la vie, mais il y voit une limite interne davantage qu’une limite externe. Quant à Schopenhauer, qui aurait lui-même interprété la Selbstgenügsamkeit de travers, en suggérant, d’après les mots de Heidegger, que « La vie serait une affaire qui ne rentrerait pas dans ses frais » (GA58, p. 30), nous l’interprétons, une fois n’est pas coutume, à partir des écrits postérieurs (SZ, p. 289 ; Einführung in die Metaphysik, Tübingen, Niemeyer, 1953, p.136 ; Nietzsche, Bd. II, Pfullingen, Neske, 1961, p. 92), où elle sera reprise presque telle quelle. Le mot de Schopenhauer n’est pas faux car la vie finirait par rentrer dans ses frais, mais parce que la vie n’est en aucun cas une affaire. En réalité, Heidegger mécomprend le mot de Schopenhauer, car il ne l’a sans doute pas lu dans son contexte, où le philosophe de la volonté refuse que la vie se réduise à une affaire qui ne rentrerait pas dans ses frais. Cf. A. Schopenhauer, Die Welt als Wille und Vorstellung. Zweiter Band, welcher die Ergänzungen zu den vier Büchern des ersten Bandes enthält, Hg. v. J. Frauenstädt, Leipzig, Brockhaus, 1859, p. 655 sq.

  39. 39.

    Et de ce point de vue Heidegger (GA59, p. 158) ne peut que louer les Beiträge zur Lösung der Frage vom Ursprung unseres Glauben an die Realität der Aussenwelt und seinem Recht de 1890 (cf. DGS V, pp. 90–138).

  40. 40.

    Et Natorp, en disant cela, s’oppose à Husserl. Voir notamment NAP, p. 38 sq. et p. 85. Heidegger discute ce statut de supposition ou de présupposition en GA59, p. 123.

  41. 41.

    Heidegger critique la manœuvre par laquelle Natorp fait passer de l’abstrait pour du concret à plusieurs reprises dans le cours de SS 1920. Voir par exemple GA59, p. 135.

  42. 42.

    Cf. HUA IV, pp. 93–97 ; HUA VI, pp. 106–107 ; HUA VIII, p. 11 et p. 71 sq. Scheler n’est peut-être pas très loin derrière Husserl sur ce point. Cf. MSGW II, pp. 391–395.

  43. 43.

    E. Housset, Husserl et l’énigme du monde, Paris, Seuil, 2000, pp. 92–93.

  44. 44.

    D’après NFK, il faut lire nicht et non pas nun.

  45. 45.

    Sur l’intentionnalité sans objet, cf. HUA X, et sur la double vie de sujet, cf. R. Bernet, La vie du sujet. Recherches sur l’interprétation de Husserl dans la phénoménologie, Paris, PUF, 1994.

  46. 46.

    Nous nous permettons de renvoyer ici à notre étude « Husserl, Reinach et le problème de l’attitude naturelle », Phänomenologische Forschungen, 13, 2013, pp.31–46.

  47. 47.

    E. Housset, Husserl et l’énigme du monde, p. 93.

  48. 48.

    Ibid.

  49. 49.

    J.-L. Marion, Étant donné. Essai d’une phénoménologie de la donation, Paris, PUF, 1997, p. 48.

  50. 50.

    J.-L. Marion, Étant donné. Essai d’une phénoménologie de la donation, pp. 49–50.

  51. 51.

    H. Rickert, Der Gegenstand der Erkenntnis [1928], p. 373, p. 180.

  52. 52.

    On peut formuler ici l’hypothèse que l’expression employée par Heidegger est reprise de Nietzsche. Voir les §§ 1–34 de Menschliches, Allzumenschliches, précisément regroupés sous le titre « Von ersten und letzten Dingen » (NW IV2, pp. 15–48). Nietzsche y déconstruit le problème de la connaissance, tout comme notre philosophe dans ce passage.

  53. 53.

    Cf. A. Sussbauer, Intentionalität, Sachverhalt, Noema. Eine Studie zu Edmund Husserl, Freiburg/München, Alber, 1995, pp. 187–302.

  54. 54.

    Espèce d’évidence que Husserl a vue par ailleurs mais qu’il s’est fait un devoir de démembrer et d’intellectualiser pour remédier à ses insuffisances. Heidegger montre pour sa part que ces insuffisances sont déjà structurantes et que c’est du sens qui s’en dégage que la phénoménologie herméneutique doit partir.

  55. 55.

    Et dans ce cadre la phénoménologie herméneutique peut toujours revendiquer une certaine universalité ; non plus une universalité logique, mais existentielle ou existentiale – on pourrait peut-être dire : ontologique. Toutes les situations dont le soi fait l’expérience sont particulières, mais tout soi s’expérimente toujours dans une situation.

  56. 56.

    Il est aisé d’établir un parallèle entre cette description et le Nacherleben de Dilthey. Pour Heidegger cependant, l’enjeu est de faire en sorte que l’interprétation résultant de ce revivre ne se voit pas réduite à n’être que le prétexte et la base d’une vision du monde.

  57. 57.

    Il n’en est pourtant pas loin à certains endroits isolés de ses premiers cours de Freiburg, et ici même dans le quatrième chapitre consacré à l’indication formelle. Nous y reviendrons.

  58. 58.

    Cf. H. Rickert, Der Gegenstand der Erkenntnis [1909], p. 203.

  59. 59.

    H. Rickert, « Zwei Wege der Erkenntnistheorie », p. 203 ; trad. fr., p. 140.

  60. 60.

    Un seul domaine objectivo-sémantique ? Une sphère des significations plus une sphère des objets ? Un troisième règne du sens ? Il ne faudrait pas négliger ici la réception de Lotze et notamment de sa Logik chez les marbourgeois comme chez les badois, et bien sûr aussi chez Husserl.

  61. 61.

    P. Natorp, « Zur Frage der logischen Methode. Mit Beziehung auf Edmund Husserls “Prolegomena zur reinen Logik” », Kant-Studien, 6, 1901, pp. 12–13.

  62. 62.

    Cf. « Vergl. des von H. Prof. Schmid aufgest. Syst. mit der Wissenschaftslehre » [1796], in FGA, I3, p. 253.

  63. 63.

    La distinction fichtéenne entre faktisch et überfaktisch recouvre en partie celle entre sensible et suprasensible. Elle qualifie ainsi deux types de monde distincts (et néanmoins liés), mais aussi deux types de savoir, et donc, plus généralement, deux types de point de vue ou de position. Dans le même esprit, le facticiel est opposé au libre quand il concerne directement le Moi. Cf. la Wissenschaftslehre de 1812 dans FGA, II13, p. 124.

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Camilleri, S. (2017). DE L’EXPÉRIENCE DE LA VIE FACTICIELLE À LA PHILOSOPHIE ET RETOUR. In: Heidegger et les grandes lignes dʼune phénoménologie herméneutique du christianisme primitif. Phaenomenologica, vol 221. Springer, Cham. https://doi.org/10.1007/978-3-319-45198-5_1

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