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‘Un paria par en haut’: noblesse et grâce dans L’émigré de Paul Bourget

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Abstract

As he writes L’émigré (translated as The Weight of the Name) in 1906, Paul Bourget is an author who matters in the French literary landscape. His right wing politics, newfound Catholicism and attachment to the Parisian social elite put him in an ideal position to chronicle the consequences of the separation of Church and State on the French nobility. While L’émigré at first appears to be grounded in current events, it quickly ends up being the portrait of a whole class. In the eyes of Bourget, it seems as if the nobility is about to disappear, and overtaken by a sense of urgency, he makes it his purpose to carefully represent the conservative French nobility of the Belle Époque. In so doing, he offered his readers one of the most complete and didactic accounts of what constituted the noble habitus.

Résumé

Lorsqu’il écrit L’émigré en 1906, Paul Bourget est un auteur qui compte dans le paysage littéraire Français. Ses orientations politiques marquées à droite, son catholicisme retrouvé, son attachment au grand monde en font un candidat de choix pour analyser à chaud les conséquences de la séparation de l’Église et de l’État sur la noblesse française. De ce roman d’actualité, Bourget tire un portrait d’une classe qu’un sentiment d’urgence le fait croire être sur le point de disparaître, au point que l’intrigue, quoique complexe, ne sert que d’arrière-plan à un tableau qui s’avère être la représentation sinon la plus complète, du moins la plus didactique, de ce qu’était la noblesse française conservatrice de la Belle Époque. C’est ce condensé d’habitus qu’il s’agit d’extraire et d’analyser dans cet article.

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Notes

  1. Le versant littéraire des représentations de la noblesse dans la période qui s’étend du dix-neuvième siècle au vingtième siècle demeure l’un des sujets les moins exploités de la littérature française de cette période. À ce propos, il est très utile de consulter les introductions des deux volumes de Lettres de noblesse (à paraitre) par David Martens, qui résument très justement l’importance et la portée de la question pour la recherche contemporaine. Il convient aussi de citer, bien qu’il concerne le cas britannique, le livre plus ancien de Len Platt, Aristocraties of Fiction (2001), dont l’approche, la méthodologie et les conclusions peuvent beaucoup apporter au cas français.

  2. À la suite d’Arno Mayer, dans The Persistence of the Old Regime (1981), il est souvent admis que la première guerre mondiale est l’évènement qui met fin à la suprématie sociale de l’aristocratie. Proust l’avait déjà remarqué en faisant du Temps Retrouvé un vibrant chant du cygne de la noblesse.

  3. Voir à propos de la querelle des inventaires, Histoire de la France Religieuse, IV (1992, p. 58). L’affaire fut vécue comme un retour aux temps révolutionnaires par une grande partie de la communauté catholique, entrainant un certain nombre de démissions d’officier de l’armée, et provoquant dans certains cas des troubles de l’ordre public allant jusqu'à mort d’homme.

  4. Ici, c’est bien entendu l’allusion aux nobles qui quittèrent la France pendant la Révolution, que ce soit pour la combattre, pour suivre leur roi ou pour échapper à de possibles persécutions, qui sous-tend l’attribution de ce surnom. Il faut aussi ne pas oublier qu’un bon nombre des membres du parti légitimiste, les ultras, se retirèrent de la vie publique, le plus souvent sur leurs terres, après que Louis-Philippe s’est emparé du pouvoir en 1830.

  5.  « il faut que les familles s’enracinent pour durer, qu’elles aient l’assiette territoriales, qu’elles s’amalgament à un sol » (Bourget 1907, p. 61). C’est toute la théorie que Barrès déploie dans Les Déracinés (1897). Sous cet angle, il faudrait voir en quoi Bourget emprunte à Barrès, ou encore en quoi Barrès emprunte sa théorie à l’habitus nobiliaire. Il n’est ainsi pas innocent que Maurice Barrès ait dédié Les Déracinés à Paul Bourget et que celui-ci lui rende la pareille justement dans L’émigré.

  6. Pour tout lecteur de La Recherche, le nom est évidemment frappant. Chez Bourget, M. de Charlus a un rôle assez secondaire, et sert de contrepoint au marquis. Physiquement chétif, le Charlus de Bourget est défini par une obsession, celle des préséances: « Telle était l’unique et misérable occupation de cet homme, délicat et droit, mais hypnotisé autour des mesquineries de sa propre noblesse, pourtant des plus authentiques » (p. 43). Il est le monomane fin de race.

  7. Peter Burke, dans The Fortunes of the Courtier (Burke 1996), explique le caractère révolutionnaire de cette application d’un concept religieux à un domaine séculaire et retrace l’extraordinaire influence de ce traité sur l’Europe et sa noblesse, y compris en France. Sur le destin de ce traité de civilité en France, le texte de Jacques Revel, « Les usages de la civilité » (Revel 1985), reste une référence incontournable tant elle établit la supériorité du Courtisan sur ses successeurs.

  8. Dans une courte note dans La distinction, Pierre Bourdieu établit un parallèle entre la sprezzatura et l’aisance, cette dernière étant une caractéristique de l’homme distingué de la seconde moitié du vingtième siècle (Bourdieu 1979, p. 58).

  9. Pour Elias, voir La civilisation des mœurs (1973, p. 146). Dans le cas de Bourdieu, le passage clé se trouve dans La distinction (1979, p. 274).

  10. En particulier, voir S. Moussa (2003). L’idée de « race » dans les sciences humaines et la littérature. Paris: l’Harmattan.

  11. Ce qui semblerait indiquer que, même s’il rejette le Darwinisme social (selon L. Lyle (2008)), Bourget ne rejette pas forcément la notion d’évolution des espèces. Cependant, il faudrait nuancer: car c’est peut-être plus l’exemple de l’élevage dont il s’agit ici.

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Tonnerre, O. ‘Un paria par en haut’: noblesse et grâce dans L’émigré de Paul Bourget. Neohelicon 42, 43–54 (2015). https://doi.org/10.1007/s11059-014-0274-5

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