Résumé
La définition de la condition suspensive, telle qu’elle nous est donnée dans l’article 1181 du Code civil français, est aujourd’hui au centre de différents projets de réforme. Si aucun projet de réforme n’a réussi à emporter l’assentiment de tous les juristes, nombre d’entre eux semblent s’accorder sur la nécessité de réformer ce texte—inchangé depuis 1804. Pourquoi un tel consensus sur ce besoin de réécriture de la définition de la condition suspensive mène à une discussion doctrinale où deux positions principales s’opposent? C’est à cette question que nous tâchons de répondre en traquant l’origine de cette scission dans la lettre même du texte dont nous analysons à la fois la structure logique et la signification des termes employés pour sa rédaction. Cette analyse nous permet de mettre en évidence la sémantique ambiguë du terme “incertain”, terme pour lequel nous proposons une analyse logique de sa signification que nous comparons ensuite à celle du terme “inconnu”.
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Notes
Article 1181 du Code civil français. La formulation de cette définition est inchangée depuis 1804.
Cf. alinéa 3 et 4 de l’article 1181, p. 3.
Primauté accordée à la connaissance de l’existence de la condition, cf. [2].
Primauté de l’existence de la condition indépendamment de la connaissance de son existence, cf. [11].
Cf. [12], p. 1131. L’incertitude vis-à-vis de l’existence de l’événement érigé en condition représente le point de distinction entre condition d’une part et terme de l’autre—Cf. article 1185, Code civil français.
Cf. [12, note 2, p.1131].
Autrement dit un événement passé.
Nous changeons de police afin de faire ressortir du texte les connecteurs non, mais, et, ou, si...alors et autres opérations logiques.
Il s’agit essentiellement du formalisme de la logique épistémique dynamique. Cf. [16], pour une présentation détaillée de cette classe de logiques.
Cet exemple est amplement discuté dans [4, Définition 1].
La signification d’une proposition complexe est directement une fonction de ses éléments simples.
Cf. [10] pour une introduction à la logique modale.
Nous ciblons notre propos sur Primus, mais, à circonstances similaires, il n’y a rien qui ne soit dit au sujet de la connaissance de Primus qui ne puisse être également dit au sujet de celle de Secundus.
Si seul le moment précis de l’existence était incertain, il s’agirait non pas d’une condition suspensive, mais d’un terme et l’obligation ne serait pas suspendue mais uniquement différée—cf. note 5.
Un événement épistémique est nécessaire pour cela—cf. Sect. 3.2.
Cf. article 1168—Table 1.
Et donc uniquement dans sa dimension future car tout événement passé est par définition déjà existant.
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Magnier, S. La logique au service du droit: L’analyse de la signification du terme “incertain” dans la définition de la condition suspensive du droit civil français. Int J Semiot Law 28, 647–660 (2015). https://doi.org/10.1007/s11196-015-9412-2
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DOI: https://doi.org/10.1007/s11196-015-9412-2